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  1. Mar 2020
    1. « Je lui ai dit “je t’aime” alors que je ne l’avais encore jamais vue ! Je n’en reviens toujours pas. Mon histoire a démarré en 2001 sur l’un des premiers sites de rencontres. Nous nous parlions comme de coeur à coeur, d’âme à âme. Je n’étais jamais allé aussi loin dans l’engagement, la sincérité, le dépouillement face à quelqu’un. Qui peut résister à cela ? Des nuits entières, par écrans interposés, nous avons échafaudé notre histoire : acheter une maison, avoir un enfant, marier nos amis… Et nous aimer, encore et encore. Mais, dès les premiers jours de la vie à deux, j’ai senti que tout était fini. L’amour est retombé comme un soufflé. Pourtant, j’ai poursuivi la belle histoire : les familles qui s’apprécient, la maison, le bébé… Comment prendre la responsabilité de détruire, de faire du mal autour de moi ? Je me suis oublié. J’ai mis six ans à prendre la décision de partir, après ce qui a été un cauchemar. Nos échanges numérico-épistolaires – tchats et e-mails – étaient le fondement de notre relation… Nous nous sommes retrouvés dans cette situation pathétique d’essayer de renouer, chacun sur notre ordinateur, chacun à un bout de la maison, nos conversations virtuelles. Mais nous n’avons jamais réussi à retrouver notre complicité d’avant. Il fallait bien admettre que, dans la réalité, nous n’étions rien l’un pour l’autre. »

      Fantasme à nouveau, d'un point de vue masculin cette fois et destructeur. Le témoignage de Julien pose la question de la solitude, du besoin d'intimité et de l'importance des valeurs. L'écran libère et masque à la fois, posant finalement la question de la quête de soi. L'étymologie du mot fantasme prend ici tout son sens selon la définition de « production de l'imaginaire qui permet au moi d'échapper à la réalité » (1866, Amiel) » https://fr.wikipedia.org/wiki/Fantasme_(psychologie)

    1. Je suis devenue accro au site. Sélectionner les uns, écarter les autres… j’étais prise au jeu. J’ai appris à livrer mon intimité à des inconnus, à écouter leurs attentes et à me mettre à nu pour mieux les comprendre. C’est déjà une forme de don de soi. Je m’impliquais tous les jours davantage. J’étais investie dans la recherche d’un homme. Mais ils ne me plaisaient pas : trop classiques, trop religieux, ou trop ringards. Un jour, mon homme est apparu. Il sortait du cadre. Il était différent, unique. Il était très beau sur la photo. Son sens de la repartie a fini de me conquérir. Je me souviens de tout : nos premiers mots échangés, les détails de notre première rencontre, un jean coupé aux genoux, son jogging élimé. André était exactement comme je l’avais imaginé. Et, pour la première fois depuis longtemps, j’étais intimidée. Nous avons découvert que nous avions des relations communes, que nous nous sommes croisés sans nous voir plusieurs fois au cours de nos vies. S’il n’y avait pas eu le site ? J’aurais certainement rencontré quelqu’un d’autre… Mais je connais ma chance : j’ai trouvé mon aiguille dans la botte de foin. Nous nous sommes rencontrés il y a deux ans et demi. Nous vivons ensemble depuis un an et nous sommes très heureux. »

      Une autre facette du fantasme est abordée avec ce nouveau témoignage, l'auteur ayant choisi un profil très différent du précédent. Elle parle d'addiction au site et de don de soi pour répondre aux attentes de l'autre. Cependant le narcissisme reste présent puisque Florence, si elle ne cherche ni l'amour ni la vengeance, compare son activité sur les sites à un "jeu" où elle "sélectionne" des hommes. L'apparition de l'homme de sa vie, présenté comme le prince charmant, lui a été offert malgré elle, parce qu'elle ne le cherchait pas? La chance donc.

    2. Je pensais découvrir un monde merveilleux où tout était mis en place pour assembler des milliers de personnes, que le système apaisait les rapports et installait un univers de compréhension nous donnant les moyens de nous parler paisiblement. Mais, dès mes premiers échanges, je me suis aperçue que je n’étais pas adaptée à ce système : les cases que j’avais cochées me montraient le profil type de mon prince charmant, mais je n’y voyais rien d’autre que la projection de mes fantasmes.

      L'auteur fait appel à des sources extérieures pour renforcer son argumentation et faire appel à l'empathie du lecteur qui peut se reconnaître dans les divers témoignages. La désillusion vécue par Muriel est réelle et à la hauteur des attentes qu'elle avait projetées dans sa quête d'amour. De plus, la scission entre virtuel et réalité est fortement soulignée par le sentiment d'inadaptation exprimé ici et met en avant l'existence éventuelle de codes spécifiques à connaître ou à adopter pour aimer en ligne

    3. Un jeu de dupes, car, lors du retour à la réalité, la confrontation avec l’autre ne peut être que décevante : devant un corps imparfait, avec ses aspects disgracieux, confrontés au son de sa voix, à ses odeurs, nous sommes face à la désillusion, démunis de nos ressources pour recréer l’alchimie, le désir. « L’image fantasmée de l’autre est devenue immense et a pris toute la place. La dimension érotique se réduit à la portion congrue des tris sur Internet. » Le corps est comme endormi. Un peu comme celui de la Belle au bois dormant qui attend son prince charmant…

      La rhétorique de l'auteur conclue l'analyse psychologique en confirmant son point de vue de départ: celui du conte de fées. Or, s'il est vrai que l'écran offre une image bien différente de la réalité, est-ce ce que tout le monde recherche? 1. Seul l'aspect physique est ici envisagé. 2. La durée de la relation virtuelle est à prendre en compte dans la création d'une image fantasmée

    1. Ces sites hystérisent nos relations, analyse Alain Héril, ils sont par excellence une promesse de sexualité sans le passage à l’acte, ce qui est la définition même de l’hystérie en psychologie. Certaines de mes patientes se mettent dans un état d’agressivité très proche de l’état d’excitation sexuelle. Ce qu’elles veulent, c’est avant tout jouer avec le désir de l’autre. » Elles choquent, elles provoquent.

      L'analyse epistémique apporte une dimension psychologique intéressante à l'argumentation même si je trouve encore une fois dommage de la réduire au sexe féminin. L'hystérie n'étant d'ailleurs plus attribuée seulement aux femmes, comme précisé dans le DSM-IV. Dans son "Livre noir des sites de rencontres", Stéphane Rose dresse le portrait d'hommes aux comportements agressifs. https://www.citazine.fr/article/sites-de-rencontres-misere-sexuelle

    2. Dans ce marché de l’offre et de la demande, le renversement des rapports de forces est radical : pour la première fois de leur histoire, les femmes ont à leurs pieds une immense cour de prétendants qui doivent tout faire pour les séduire. « Meetic est un harem pour femmes, constate Alain Héril. Nous pourrions croire que les hommes viennent pour le sexe et les femmes, pour le sentiment. C’est souvent l’inverse. Mais, pour un homme, il est quasiment impossible d’avancer sur le terrain de la sensibilité en restant audible. » Difficile d’avouer une calvitie naissante, un âge avancé ou des revenus trop faibles. Du coup, ils mentent, alimentant les ressentiments féminins. Éléna, 32 ans, est une adepte du site Adopteunmec.com. Sans états d’âme et sans culpabilité : « Moi, les mecs, je les aligne et je les shoote », lance-t-elle. Elle a souffert de ses relations précédentes et utilise les sites de rencontres pour rendre leur pareille aux garçons. « Pour une femme, poursuit le sexothérapeute, c’est un lieu où le désir est excité autant par le besoin de plaire que par la colère. » Une façon d’être avec les hommes qui, les jeunes gens en témoignent, gagne du terrain et crée, dans les relations hommes-femmes, un déséquilibre inédit.

      Les femmes sont courtisées depuis la nuit des temps, de Cléopâtre à Beyoncé comme objet de désir et de fantasme. Le corps de la femme attire autant qu'il effraie et les maltraitances et pressions qu'il a subies au cours de l'histoire sont malheureusemnt loin d'être terminées. Sur internet, au même titre que les hommes, les femmes projettent leurs attentes physiques ou émotionnelles, et chacun joue un rôle. Je trouve que le sexothérapeute adopte un point de vue masculin qui est validé par l'auteur avec le témoignage d'une jeune femme mais l'inverse pourrait être vrai. Toute personne, homme ou femme, ayant vécu une relation difficile peut ressentir de la colère et je ne pense pas qu'il faille l'attribuer aux femmes. Attribuer la cause d'un déséquilibre dans les relations à la libération sexuelle des femmes est, je trouve, à l'encontre du progrès social qu'il défendait plus tôt!

    3. Nora et Malika calibrent leur demande en fonction d’elles-mêmes. « Elles ne sont pas tournées vers l’“autre” », confirme Alain Héril. Comme elles, de plus en plus d’entre nous, en couple ou pas, prennent le risque de « jeter » l’autre au moindre accroc. Les sites de rencontres nous font miroiter qu’un remplaçant nous attend au coin d’une case à cocher sur Internet. Ils semblent offrir une infinité de possibilités à nos fantasmes. Nous ne franchissons certes pas tous le pas de nous inscrire. Pourtant, beaucoup d’entre nous sont gagnés par « la montée actuelle de l’impatience, cette impossibilité de supporter la frustration ou la déconvenue, commente Alain Héril. C’est inquiétant, car cela devient parfois une source de souffrrance ».

      L'argumentation est poursuivie dans le même sens, approfondie et élargie: la problématique est étendue au narcissisme, à l'insatisfaction et à la nécessité de rapidité entretenues par la société de consommation. La solitude et l'individualisme aussi qui peuvent être un instant éclipsés par le lien virtuel et le renforcement de l'image de soi. Le culte du soi comme nouvelle définition de l'amour? https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20150623.RUE9589/l-amour-au-temps-du-numerique.html

    1. Pour Alain Héril, sexothérapeute et psychanalyste, auteur, notamment, de Femme épanouie, avec le progrès numérique, notre société fait marche arrière : « En mai 1968, hommes et femmes ont dénoncé le couple comme objet d’oppression sociale. En réaction, ils voulaient bâtir, à égalité, des histoires où chacun aurait la place d’évoluer auprès de l’autre, où le risque d’échec était assumé. Les sites de rencontres ont changé cela. Par le biais d’Internet, nous sommes revenus à une image fixe de l’amour. Dans mon cabinet, je constate que mes patients sont de plus en plus victimes du mythe de l’amour. Les femmes, en particulier, recherchent un homme idéal, leur double masculin. »

      La rhétorique d'Alain Héril apparaît sans appel. Il invoque la morale et l'égalité ainsi que la date symbolique de mai 68 pour affirmer que le progrès numérique va à l'encontre du progrès social. Le raccourci est un peu rapide! Le sexothérapeute évoque la recherche du couple idéal comme un modèle traditionnel d'antan puis il conditionne les femmes comme victimes de leur quête amoureuse or il oublie la libération du corps féminin et les nouveaux modèles de couples qui ont été créés et qui peuvent être recherchés. De plus, le retour en arrière qu'il met en avant questionne le progrès social qui n'en était alors peut-être pas un si ses patients adhèrent à des valeurs soit disant passées de mode?!

      Neyrand évoque dans la revue suivante le parodoxe du "libres ensembles" (Singly, 2000) en le traduisant par la réalisation de soi-même à travers l'autre: https://www.cairn.info/revue-dialogue-2015-4-page-59.htm?contenu=article

    2. Vingt ans après la naissance des premiers sites de rencontres, l’adhésion est toujours massive, et la performance de ces « serveurs du coeur », désormais indiscutable. Partout, des amoureux ravis témoignent, en nombre, de leur bonheur : « J’ai trouvé l’amour de ma vie. On a discuté deux, trois jours avant et, depuis notre rencontre, on ne s’est plus quittés et ça n’arrivera jamais » ; « Bientôt deux ans que nous nous sommes rencontrés via Meetic… Le coup de foudre immédiat dès notre première rencontre. Nous ne nous quittons plus, nous nous aimons plus que tout… » Si nous rapportons toutes ces histoires d’amour aux chiffres des unions effectives nouées en ligne, nous ne sommes que dans l’écume : leur impact dans notre inconscient collectif est bien plus profond. Internet a radicalement changé notre façon d’envisager la rencontre et le discours amoureux, que nous soyons inscrits ou pas sur les réseaux.

      En utilisant la rhétorique et l'accumulation de témoignages de sources ayant trouvé l'amour sur internet, la journaliste étend le phénomène au-delà de l'écran en voulant convaincre le lecteur que l'existence même de cette possibilité d'aimer remet en cause la nature et la définition de l'amour. C'est une véritable question à se poser. Aucune génération n'aime peut-être comme la précédente et la naissance d'Internet a certainement modifié de nombreux comportements mais qu'en est-il des valeurs humaines? Peuvent-elles être altérées par l'apparition d'un nouveau moyen de communication? Chacun n'a-t'il pas sa définition de l'amour et ne continuera-t'il pas sa quête quels que soient les moyens à sa disposition?

    3. Sommaire Un clic : la quête de l’être idéal Un profil : une infinité de fantasmes Un pseudo : le règne du mensonge "Je pensais découvrir un monde merveilleux" "J’ai trouvé mon aiguille dans la botte de foin" "Notre amour est né par écrans interposés, puis est retombé"

      Le sommaire et ses différents chapitres annoncent la progression argumentative de l'auteur, qui aborde les différentes facettes du fantasme avec des interventions de sources extérieures

    4. L'âme soeur existe forcément quelque part... C'est en tout cas ce que nous promettent les sites de rencontres.

      Tel le début d'un conte, l'auteur plonge le lecteur dans son récit et invite à adopter son point de vue en adoptant une argumentation dialectique qu'elle renforce avec la présence d'un professionnel de santé quelques lignes plus loin pour confirmer ses propos

    5. Sites de rencontres : le fantasme de l'amour idéal

      La journaliste place le lieu et le thème du débat dans le titre même de son article: la recherche de l'amour en ligne est idéalisée

  2. Feb 2020
    1. à peine plus d'un utilisateur sur deux (57%) déclare être parvenu à rencontrer quelqu'un en vrai via ce genre de sites ou d'applications (Sondage Ifop, février 2018). 1 % à 2 % seulement des unions amoureuses sont consécutives à une rencontre en ligne (Enquête Ined, janvier 2013).

      Les chiffres renforcent davantage les propos de l'auteur en citant des sources fiables et donc un taux de véracité élevé