Illustrons ce processus avec les résultats d’une recherche empirique qualitative que nous avons réalisée sur les réactions des fans au décès de Michael Jackson (Fourquet-Courbet, Courbet, 2012). Nous avons montré que les RSN jouent un rôle ambivalent dans leur gestion du deuil. Si les RSN ont été psychologiquement utiles aux fans dans les premiers jours qui ont suivi le décès pour obtenir des informations et partager socialement leurs émotions, il semble toutefois qu’à plus long terme, leurs usages fréquents et prolongés ont freiné la résolution du deuil chez certains. Retourner fréquemment et pendant un long délai après le décès sur les RSN et pages de fans, comme l’ont fait de nombreux fans, conduit à régulièrement re-générer et ruminer des pensées négatives, à augmenter la fréquence et l’intensité des émotions négatives ressenties. Si communiquer et exprimer sa tristesse est nécessaire dans le premier stade du deuil, notamment pour obtenir empathie et soutien sociaux pour « faire son deuil », cette phase ne doit pas être trop longtemps entretenue. Or les RSN incitant à prolonger cette phase semblent ralentir la gestion du deuil (Courbet, Fourquet-Courbet, 2014). Certes, si les deuils sont heureusement rares dans la vie quotidienne, l’entretien des ruminations et émotions négatives peut se retrouver dans d’autres circonstances, par exemple, à la suite d’une séparation amoureuse. Des consultations fréquentes des pages de l’être aimé(e) perdu(e) sur les RSN pourraient empêcher d’accepter la fin de la relation.
Les auteurs présentent ici pour la première fois les résultats de leurs propres travaux de recherche, dont les résultats mettent en lumière le rôle ambivalent des RSN dans la gestion du deuil. Avec un argumentaire dialectique pro, ils expliquent que, si le rôle des RSN peut être bénéfique à court terme (rôle informationnel, de partage et de décharge des émotions négatives), il peut s'avérer nocif à long terme en cas d'utilisation fréquente, conduisant à augmenter l'intensité et la fréquence des émotions négatives ressenties, et donc à la rumination.
Dans un second temps, les auteurs avancent un argument de type épistémique inductif, par lequel ils généralisent les résultats rencontrés dans le cadre de la gestion du deuil à d'autres situations, en l'occurrence les cas de séparation amoureuse. Par ce raisonnement amplifiant, ils avancent que les RSN conduisent à alimenter ruminations et émotions négatives. Toutefois, les auteurs ne font référence à aucun travaux de recherche pour appuyer cet argument.