Les auteurs proposent ici des hypothèses de recherche pour expliquer la robustesse du lien entre usagers et technologies numériques (Internet, RSN, smartphone), que de nouvelles recherches pourront, à l'avenir, venir interroger.
Tout d'abord, les auteurs développent ici à nouveau, via un raisonnement épistémique abductif, leur thèse selon laquelle la communication numérique vient combler un certain nombre de besoins existentiels, narcissiques et sociaux, tel que le besoin de popularité. La connexion intense, voire permanente, notamment aux RSN, induirait un sentiment d'appartenance sociale et de sécurité affective chez le sujet, pour lequel le smartphone agirait comme une sorte d'objet transitionnel, et améliorerait l'image de soi. De nouveaux travaux de recherche pourront analyser la formation de ces représentations et la manière dont elles façonnent le lien des utilisateurs à ces technologies numériques.
Les auteurs avancent d'autres causes au phénomène de connexion permanente aux TIC, précédemment évoquées dans l'article, telles que la FOMO, la peur d'être exclu socialement, le besoin de popularité, le besoin de reconnaissance sociale. Ils ouvrent sur une nouvelle piste, à savoir l'effet compensateur des TIC, qui contribuerait à pallier un sentiment d'ennui et à combler un "vide existentiel" en offrant des espaces récurrents de stimulation et de divertissement, procurant à l'utilisateur compulsif un bénéfice à court terme. Ils proposent d'étudier dans la durée comment évoluerait ce sentiment de "vide existentiel" en fonction de l'usage intensif des RSN fait par l'utilisateur.
A noter, parmi les causes de l'usage intensif des TIC évoqué, ils ne font pas référence aux usages déterminés par l'évolution récente des pratiques professionnelles (par exemple, usage des applications de vidéo-conférence (pour les employés, cadres...) ou de télé-consultation (pour les soignants), usages des applications "Uber" pour les chauffeurs Uber, usage des applications "Deliveroo" ou "Uber Eats" pour les livreurs, etc...). Ou encore, l'utilisation croissante des TIC liée au développement des objets connectés (par exemple : possibilités d'activer à distance et de piloter au domicile des utilisateurs le chauffage ou la climatisation, les volets électriques, les prises des appareils électriques, des caméras de surveillance, le four, l'aspirateur, etc...). Ces usages peuvent être qualifiés d'intenses car ils conduisent à augmenter le volume d'heures journalier de connexion aux TIC, mais ne sont pas nécessairement associés à des affects négatifs. Ils traduisent simplement l'évolution sociétale des pratiques professionnelles et des habitudes ou modes de vie personnels.
Les auteurs introduisent enfin une nouvelle hypothèse, selon laquelle les technologies mobiles contribueraient à créer chez leurs utilisateurs un sentiment de "soi augmenté" (Belk, 2013), perçu par leurs utilisateurs comme faisant tellement partie d'eux-mêmes qu'ils représenteraient comme une extension de leur corps physique. Ils interrogent la dimension narcissique, sociale et corporelle de ce concept, et les conséquences sur la manière dont le cerveau appréhende le smartphone et le lie au schéma corporel. Ces arguments ne sont toutefois pas étayés par des éléments plus précis. SI le sentiment de dépendance élevé aux smartphones paraît acquis, pour autant l'hypothèse selon laquelle ceci modifie la perception du schéma corporel de l'utilisateur demande à être davantage creusée et corroborée. Les auteurs suggèrent de nouvelles pistes de recherche sur ces aspects.