Briefing Document : Le Refus Scolaire Anxieux
Source : Excerpts de la transcription de la conférence "Le refus scolaire anxieux : mieux le reconnaitre, mieux le comprendre pour mieux le soigner" avec le Docteur Hélène Denis, pédopsychiatre au CHU de Montpellier.
Date de la conférence : 2025
Thèmes Principaux :
Définition et distinction du Refus Scolaire Anxieux (RSA) :
Le Dr. Denis insiste sur l'importance d'utiliser le terme "refus scolaire anxieux" plutôt que "phobie scolaire", qu'elle considère comme un terme obsolète et imprécis.
Le RSA est défini comme l'incapacité pour un enfant ou un adolescent d'aller à l'école en raison d'une anxiété intense.
Elle cite la définition de Juria Guérin (1974) : enfants ou adolescents qui, pour des raisons irrationnelles, refusent d'aller à l'école et résistent avec des réactions d'anxiété vive ou de panique à l'idée d'y aller, malgré les efforts pour les y forcer.
- "le refus scolaire anxieux qu'est-ce que c'est et ben c'est ce qu'on appelle dans le jargon populaire la phobie scolaire et il faut plus employer ce mot-là à partir de ce soir phobie scolaire ça veut plus trop rien dire"
- "ce sont des enfants ou des adolescents qui n'arrivent plus à aller à l'école parce qu'ils sont anxieux et que cette anxiété est tellement forte qu'il n'arrive plus à y aller"
- Caractéristiques des jeunes souffrant de RSA : Contrairement à l'absentéisme scolaire classique (école buissonnière), les jeunes atteints de RSA veulent retourner à l'école, ont des ambitions scolaires et souffrent de cette situation. Ils sont souvent conscients du caractère irrationnel de leurs peurs anxieuses et demandent de l'aide.
- "la particularité de ces jeunes qui ne qui sont absents parce qu'il n'arrivent plus à aller à l'école pour des raisons anxieux sont des patients qui veulent retourner à l'école ils ont des ambitions scolaires ils étaient auparavant plutôt très intéressés voir très investis dans la scolarité et à un moment donné ils n'arrivent plus à y aller et ce sont des jeunes qui du coup souffrent de cette situation et demandent de l'aide"
Le RSA comme complication de troubles anxieux : Le RSA n'est pas un diagnostic en soi dans les classifications internationales, mais plutôt une manifestation ou une complication de troubles anxieux sous-jacents (un ou plusieurs).
Le Dr. Denis présente les critères de Berg pour définir les patients concernés par le RSA dans le cadre de la recherche : refus d'aller à l'école entraînant une absence prolongée, détresse émotionnelle anticipatoire (peur, colère, tristesse, symptômes physiques), maintien au domicile pendant les heures de classe, absence de comportements antisociaux significatifs et efforts parentaux préalables pour la rescolarisation.
"le refus scolaire anxieux c'est pas un diagnostic qui est dans les classifications parce qu'en fait c'est une complication de plusieurs troubles anxieux"
Les Troubles Anxieux : Le Dr. Denis souligne la sous-reconnaissance et la mauvaise prise en charge des troubles anxieux en France.
Elle explique que l'anxiété est une émotion normale et utile, mais que les troubles anxieux se caractérisent par une peur exagérée, intense, fréquente et durable, entraînant une souffrance importante et des comportements d'évitement.
Elle détaille différents types de troubles anxieux chez l'enfant et l'adolescent : anxiété de séparation, phobies spécifiques, trouble anxiété généralisée (TAG), anxiété sociale (y compris l'anxiété de performance), trouble panique et troubles obsessionnels compulsifs (TOC) (bien que n'étant plus classés comme troubles anxieux, ils peuvent entraîner un RSA).
- "les troubles anxieux c'est une c'est une pathologie qui est très peu connue ou très mal diagnostiquée et très très mal prise en charge en France"
- "les troubles anxieux c'est une peur normale qui va être très exagérée au départ ça peut être une peur normale mais on n'arrive pas à trouver la résolution ou alors c'est une peur normale qui a trouvé une résolution qui revient très forte à un autre moment du développement"
Conséquences des Troubles Anxieux non traités : Le Dr. Denis insiste sur les répercussions importantes des troubles anxieux non traités sur le développement psychologique, la vie familiale, les apprentissages scolaires, et le risque accru de développer à l'âge adulte des troubles anxieux persistants, une dépression, ou des conduites addictives (abus de substances pour gérer l'anxiété).
"le problème des troubles anxieux de l'enfant et de l'adolescent c'est que si on n'y fait rien il y a pas de raison que ça s'arrête et donc on va laisser se construire comme ça un adulte anxieux sans s'en être occupé sans avoir arrêté cette trajectoire d'anxiété"
Diagnostic Différentiel du RSA : Il est crucial de distinguer le RSA de l'absentéisme scolaire volontaire (école buissonnière), qui n'est pas motivé par l'anxiété et où les jeunes n'expriment pas de souffrance ni de désir de retourner à l'école. La distinction peut parfois être complexe, notamment en présence de facteurs familiaux compliqués.
"ce qui n'est pas un refus scolaire anxieux c'est ceux qui ne vont pas à l'école mais parce qu'ils n'ont pas envie d'y aller ce sont des jeunes qu'on appelle école buissonnière"
Traitement du RSA : Le traitement de référence, basé sur les études internationales, est la Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC), éventuellement associée à un traitement médicamenteux (antidépresseurs ISRS).
La TCC vise à apprendre au patient à identifier et à modifier ses pensées dysfonctionnelles, à gérer ses émotions et à s'exposer progressivement aux situations anxiogènes.
"dans les études scientifiques de bonne qualité on retrouve qu'il faut faire de la thérapie cognitive et comportementale qui est le traitement de référence des troubles anxieux"
"la technique de référence c'est s'exposer aux situations qui font peur on va préparer le patient doucement mais sûrement à s'exposer à ce qui fait peur"
Prise en charge spécifique au CHU de Montpellier : L'unité du Dr. Denis propose une prise en charge spécifique en hospitalisation de jour pour les adolescents (11-16 ans) souffrant de RSA.
Cette prise en charge combine scolarité adaptée au sein de l'unité avec des thérapies cognitives et comportementales individuelles et en groupe.
Un travail important est mené en partenariat avec les familles et les établissements scolaires pour faciliter le retour à l'école.
"l'unité du docteur Hélène Denis au CHU de Montpellier a développé une prise en charge spécifique ces patients qui ont en général entre 11 et 16 ans [...] sont reçus en hospitalisation de jours durant cette période ils poursuivent leurs études au sein de l'unité et reçoivent des soins en thérapie cognitive et comportementale à la fois en individuel et en groupe"
Rôle de l'Éducation Nationale dans la détection et la prise en charge précoce : Le Dr. Denis encourage les professionnels de l'éducation à être attentifs aux signes d'anxiété liés à la scolarité (peur exprimée, somatisations, absences perlées), à adopter une attitude empathique et bienveillante, à proposer des aménagements scolaires si nécessaire (temps partiel), à faciliter la verbalisation des peurs, et à orienter vers une aide spécialisée en cas de persistance ou d'aggravation. Elle souligne l'importance du lien avec les parents.
"aller chercher avec des mots simples et une reconnaissance empathique et bienveillante de 'Mais qu'est-ce qui te fait peur ? même si c'est débile tu peux peut-être me le dire'"
"il vaut mieux aménager faire du temps partiel plutôt que s'acharner et après tout bloquer la déscolarisation totale c'est l'enfer pour repartir c'est l'enfer il vaut mieux y rester un peu et moins souvent et et mettre en place des stratégies pour essayer que petit à petit on y reparte"
Points de vigilance : Le Dr. Denis exprime un regard critique sur certaines approches et terminologies dans le domaine de l'éducation, notamment concernant le "haut potentiel intellectuel" (HPI), qu'elle considère comme une invention franco-française problématique et non étayée scientifiquement comme cause de mal-être scolaire.
Elle met également en garde contre une utilisation excessive et parfois inappropriée du terme "harcèlement".
Idées ou Faits Importants :
- Le refus scolaire anxieux est une problématique fréquente et invalidante chez les adolescents.
- Il est essentiel de distinguer le RSA de l'absentéisme non anxieux pour une prise en charge adaptée.
- Les troubles anxieux sous-jacents sont souvent mal diagnostiqués et pris en charge en France.
- La TCC est le traitement de référence du RSA et des troubles anxieux.
- Une prise en charge multidisciplinaire et un partenariat étroit avec les familles et les écoles sont cruciaux pour un retour à l'école réussi.
- La détection précoce et les aménagements scolaires peuvent prévenir une déscolarisation totale.
- Certaines notions populaires comme le lien systématique entre HPI et mal-être scolaire sont remises en question par le Dr. Denis.
Conclusion :
La conférence du Dr. Hélène Denis met en lumière la complexité du refus scolaire anxieux, son lien étroit avec les troubles anxieux, et l'importance d'une approche diagnostique et thérapeutique rigoureuse.
Elle souligne le rôle crucial des professionnels de l'éducation dans la détection précoce et l'orientation, ainsi que la nécessité d'une collaboration étroite avec les équipes médicales et les familles pour accompagner au mieux ces jeunes en souffrance et favoriser leur retour à l'école.
La présentation du dispositif spécifique du CHU de Montpellier offre un exemple concret de prise en charge efficace basée sur la TCC.