Compte Rendu Détaillé de l'Audition de la Présidente du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE)
- Ce document résume les points clés et les thèmes principaux abordés lors de l'audition de la Présidente du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) par la délégation aux droits des femmes.
Il met en lumière les priorités du HCE, ses travaux récents et futurs, ainsi que les préoccupations soulevées par les parlementaires.
I. Priorités et Rapports Clés du HCE
La Présidente du HCE a souligné le rôle du Conseil comme « interlocuteur de premier plan pour les pouvoirs publics » et « moteur du débat démocratique sur les droits des femmes et les questions de genre ».
Elle a mis en avant les domaines d'intervention du HCE et les synergies possibles avec les travaux parlementaires.
A. Le Sexisme en France : Un état des lieux alarmant et polarisé
- Rapport Majeur 2025 : Le rapport principal du HCE pour 2025 porte sur l'état des lieux du sexisme en France, publié le 20 janvier dernier. Basé sur un baromètre et des questions posées à plus de 3000 Français, il vise à évaluer l'évolution du sexisme.
- Polarisation de la société : Le rapport a révélé une forte polarisation sur les questions d'égalité et de sexisme.
- Jeunes femmes : Elles sont « de plus en plus conscientes que leur vie au quotidien est plus difficile que celle des hommes » et sont « plus engagées sur ces questions, plus sensibles au féminisme et au combat pour l'égalité des genres ».
- Jeunes hommes : À l'inverse, ils « expriment un sentiment d'incompréhension des évolutions de la société voire de rejet », étant « de plus en plus attirés par les idées sexistes et masculinistes ».
- Pilier du sexisme persistant : L'éducation : Une conclusion majeure est que « l'éducation était l'un des piliers de ce sexisme persistant et qu'il fallait agir de toute urgence ».
- Appel aux ÉVARS : Le HCE appelle depuis des années à l'adoption d'un programme d'éducation à l'égalité, les cours à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (ÉVARS). Ces cours permettraient de « déconstruire les stéréotypes et les normes sociales inégalitaires qui favorisent ce sexisme ».
- Déploiement des ÉVARS : Moins de 15 % des élèves en bénéficient actuellement, malgré leur caractère obligatoire depuis 2001.
La Présidente se réjouit de l'annonce par la Ministre de l'Éducation nationale du déploiement de ce programme dès la prochaine rentrée, car 9 Français sur 10 y sont favorables, et 70 % le considèrent comme la mesure la plus efficace.
B. La Parentalité : L'« éléphant dans la pièce » des inégalités professionnelles
- Facteur structurant des inégalités : Les inégalités liées à la naissance sont un « moment clé de cristallisation des inégalités pro entre les pères et les mères » et l'un des « facteurs les plus structurants des inégalités de salaire et de carrière ». La Présidente le qualifie d'« éléphant dans la pièce ».
- Chiffres alarmants :Les écarts de revenus salariaux sont plus marqués entre parents, les mères ayant des temps de travail et des salaires « nettement inférieurs aux pères », ces écarts augmentant avec le nombre d'enfants.
- Les mères salariées du secteur privé subissent une perte salariale d'environ 20 % cinq ans après la naissance, et jusqu'à 40 % pour les salaires les plus bas.
- Les ajustements professionnels après l'arrivée d'un enfant sont 10 fois plus importants pour les mères.
- 95,6 % des congés parentaux sont pris par les femmes, 70 % des tâches domestiques sont réalisées par les femmes, et 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes.
- Seulement 42,6 % des cadres sont des femmes, alors qu'elles sont plus diplômées que les hommes.
- Réforme du congé parental : Le HCE préconise une réforme du congé parental, notamment la « réduction du temps mais qui soit mieux rémunéré pour qu'on ait davantage d'hommes à le prendre ».
- Congé paternité : Le HCE s'interroge sur l'allongement du congé paternité à l'égalité du congé maternité, considérant que le congé maternité est aussi un temps de récupération pour la mère.
Il souligne l'importance de le rendre accessible à toutes les catégories sociales, car il est moins pris par les plus précaires.
C. Parité dans l'Encadrement Sportif : Un angle mort à combler
- Sous-représentation des femmes : Bien que la pratique sportive des femmes progresse (moins de 40 % des licences en 2024), elles restent sous-représentées dans les disciplines fédérales de haut niveau et, surtout, dans les rôles décisionnaires.
- 46 % des bénévoles sont des femmes, mais seulement 34 % des dirigeants de structure sportive.
- Seulement 33 % des encadrants sportifs sont des femmes, un chiffre en baisse.
- Problème de formation : Les femmes représentent seulement 32 % des étudiants en filières STAPS, et 20 % dans les filières d'entraînement sportif.
- Recommandations urgentes :Instauration de « coprésidences mixtes des fédérations sportives nationales agréées » pour lutter contre le « plafond de verre » et les pressions subies par les femmes dirigeantes.
- Création d'un programme d'accompagnement des jeunes filles vers le management et l'encadrement sportif.
- Objectif de 25 % de femmes dans les filières STAPS d'ici 2026, et 40 % d'ici 2030.
- Mise en place de « budgets sensibles au genre » au niveau communal et municipal pour inciter la féminisation des clubs à la base.
D. Lutte contre les Violences Sexuelles et Sexistes : Améliorer la prise en charge judiciaire
La commission "violences faites aux femmes" du HCE a travaillé sur le traitement judiciaire des viols et agressions sexuelles et rendra ses conclusions et recommandations publiques prochainement, visant une « meilleure prise en charge des victimes ».
II. Discussions et Questions des Parlementaires
Les parlementaires ont salué la qualité des travaux du HCE et ont soulevé des questions spécifiques, souvent en écho aux préoccupations du Conseil.
A. Parité Sportive et Accompagnement Local
- Graziella Melker (Groupe Ensemble pour la République) : A souligné le « cercle vicieux du sexisme dans le sport » et la nécessité de travailler à l'échelle locale pour accompagner les femmes confrontées à des situations de violence ou de manque de soutien dans les instances régionales.
B. Pénalité Parentale et Réforme des Congés
- Sarah Lin (Groupe La France Insoumise) et Delphine Ligoman (Groupe Les Démocrates) : Co-rapporteures d'une mission d'information sur la parentalité, elles ont rappelé que 90 % des inégalités de revenus entre femmes et hommes sont liées à la parentalité.
- Réforme du congé paternité : Elles ont interrogé le HCE sur l'efficacité du congé paternité comme outil pour un partage égalitaire, suggérant une augmentation de la part automatique obligatoire et une partie de ce congé à l'issue du congé maternité.
- Mères solos : Elles ont demandé des pistes de réflexion pour les mères solos, qui subissent encore plus fortement la pénalité parentale.
- Parentalité en entreprise : Delphine Ligoman a interrogé sur les leviers pour inciter les entreprises à mieux intégrer la parentalité, proposant la généralisation d'une charte de la parentalité, l'intégration de la parentalité dans l'index égalité professionnelle, et une reprise progressive après les congés liés à la naissance.
- Réponse du HCE sur la parentalité :La Présidente du HCE souhaite que le Conseil travaille davantage sur la parentalité, reconnaissant que le sujet n'a pas été « spécifiquement traité jusqu'à [présent] ».
- Elle confirme l'importance de la réforme du congé parental, visant une réduction du temps mais une meilleure rémunération pour inciter les hommes à le prendre.
- Elle exprime des doutes sur l'allongement du congé paternité à la même durée que le congé maternité, considérant que le congé maternité est aussi un temps de récupération pour la mère.
- Elle souligne l'importance de toucher toutes les catégories sociales et s'inquiète de la situation des modes de garde en France, qualifiant la disparition prochaine de 40 % des assistantes maternelles de « bombe à retardement ».
C. Diplomatie Féministe et Soutien aux Associations
- Sénine Thiebau Martinez (Groupe Socialiste) : A interrogé sur l'impact de l'élection de Donald Trump sur la diplomatie féministe et la diminution des moyens pour les ONG. Elle a demandé si le HCE a été saisi de la question d'un événement sur la diplomatie féministe en France et sa position sur le sujet. Elle a également demandé si le HCE allait se saisir de l'étude de la Fondation des femmes sur la seniorité des femmes.
- Réponse du HCE sur la diplomatie féministe :La Présidente a confirmé la tenue d'un événement à l'automne et la participation du HCE.
- Elle a souligné le rôle important de la France et la volonté du HCE de travailler avec son homologue canadien pour porter la diplomatie féministe dans les pays francophones, notamment par la coordination des budgets et des actions des ambassadeurs.
- Le HCE a recommandé de pérenniser les budgets alloués à ces politiques.
D. Conséquences Genrées de la COVID et Santé Mentale des Femmes
- Sandrine Rousseau (Groupe Les Écologistes) et Cécile Violande (Groupe Horizon et apparentés) : Ont soulevé la question des conséquences genrées de la gestion de la COVID-19, notamment la dégradation de la santé mentale des femmes et des jeunes femmes liée à l'exposition aux violences intrafamiliales. Elles ont appelé le HCE à se saisir de ce sujet.
- Réponse du HCE sur la santé mentale :La Présidente a reconnu l'importance du lien et a exprimé le souhait de travailler sur la « santé des femmes », notamment sur le « burnout des femmes », lié à la charge mentale et aux contraintes qu'elles subissent.
- Elle envisage des travaux interdisciplinaires au sein du HCE sur la santé des femmes, « tout au long de la vie », des menstruations à l'âgisme.
E. Soutien aux Associations Féministes et Âgisme
- Sandrine Rousseau : A exprimé son inquiétude quant aux menaces pesant sur les associations féministes (Planning Familial, CIDFF) et leur financement, alors même que l'IVG est inscrit dans la Constitution.
- Réponse du HCE sur les associations : La Présidente a reconnu les « difficultés réelles de financement » de ces associations, les qualifiant d'« indispensables » et de « clé », et a affirmé que le HCE ne peut pas travailler sans elles.
F. Contraception Masculine
- Cécile Violande : A demandé si le HCE se saisissait des travaux sur la contraception masculine.
- Réponse du HCE : La Présidente a indiqué que des travaux avaient été engagés avant son arrivée mais qu'ils n'avaient pas été publiés car « la nature du rapport ne convenait pas à ceux qui avaient engagé le rapport » et qu'il ne faisait pas consensus parmi les co-signataires.
Elle a reconnu que c'est un sujet à regarder, car la contraception reste « à la charge aujourd'hui des femmes et ressenti comme une contrainte féminine ».
III. Perspectives et Orientations Futures du HCE
La Présidente a réaffirmé sa volonté de redonner au HCE toute sa force dans le débat public et politique.
- Décentralisation : Le HCE s'engage à se « déplacer partout en France » et non plus être une « instance très parisienne ».
- Nouveaux travaux : L'arrivée de nouveaux membres permettra de décider rapidement des prochains travaux. Des sollicitations fortes concernent notamment l'intelligence artificielle, un sujet sur lequel le HCE n'a pas encore travaillé.
- Interdisciplinarité : La Présidente souhaite développer les collaborations entre les différentes formations et commissions du HCE, à l'image des travaux parlementaires.
- Importance de l'éducation : Elle a insisté sur la nécessité de « déconstruire un certain nombre de stéréotypes » dès le plus jeune âge, soulignant que les inégalités sont présentes dès 6 ans. Elle a mis en évidence le rôle des ÉVARS, mais aussi l'importance de changer les mentalités des futurs parents et d'agir sur les contenus numériques, la littérature jeunesse, les films et les séries.
- Budget sensible au genre : La Présidente a salué l'annonce du travail sur un budget sensible au genre par trois ministères (Égalité, Budget, Éducation nationale) et a insisté pour que cela ne se limite pas à l'État, mais soit appliqué aussi aux collectivités locales.
Elle a pris l'exemple des budgets alloués au sport, souvent déséquilibrés en faveur des pratiques masculines.
- Sanctions : La Présidente a regretté le manque de sanctions pour la non-application de l'index égalité professionnelle.
En conclusion, la Présidente du HCE a réaffirmé l'engagement du Conseil à éclairer le débat public et à faire avancer l'égalité réelle, en se concentrant sur des sujets structurants comme le sexisme, la parentalité, la parité sportive et la santé des femmes, tout en cherchant à impliquer l'ensemble des acteurs de la société.