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  1. Jun 2025
    1. Note de synthèse : L'emprise sectaire - Conférence CRIAVS (Jean-Baptiste Bron)

      Cette synthèse est basée sur l'intervention de Jean-Baptiste Bron, avocat spécialisé en emprise sectaire, lors de la conférence CRIAVS.

      Son propos, bien que contraint par un temps limité, offre une analyse pertinente de la nature de l'emprise sectaire, la comparant à un État totalitaire et détaillant les mécanismes de manipulation employés.

      I. Définition et nature de l'emprise sectaire : Un État totalitaire

      Jean-Baptiste Bron introduit la notion d'emprise sectaire en la comparant directement au concept orwellien de la "redéfinition de la réalité" à l'image du célèbre "2 + 2 = 5" tiré de George Orwell.

      Pour lui, "la trahison quelque part de la réalité, la redéfinition de la réalité est l'élément le plus grave et le plus difficile pour s'en extraire que l'on impose aux adeptes de communauté sectaires."

      Il précise que l'emprise sectaire, au-delà de la "neutralisation du désir d'autrui, l'abolition de toute altérité, de toute différence, de toute singularité pour ramener l'autre à la fonction et au statut d'objet entièrement assimilable", se distingue par son exercice sur les plans social et politique.

      Chaque communauté sectaire est perçue comme un "état totalitaire" où l'emprise vise à "supprimer l'individu mais également de remplacer la société".

      Le gourou, figure centrale, incarne à lui seul les trois pouvoirs d'un État totalitaire : législatif, exécutif et judiciaire.

      A. Le pouvoir législatif du gourou

      • Création et enrichissement permanent de la doctrine/du dogme : Seul le gourou est habilité à créer les règles et prescriptions du groupe. Il est le "maître de la loi" dont la parole est incontestable.

      • Discours globalisants et mouvants : L'enseignement du gourou est souvent totalisant, redéfinissant par exemple la santé (ex: Thierry Casasnovas) ou la réalité de la maladie.

      Cette doctrine est également dynamique, s'enrichissant des désirs des adeptes pour les réimposer à toute la communauté.

      B. Le pouvoir exécutif du gourou

      • Redéfinition du réel et du langage : Le gourou modifie la signification des termes pour créer la confusion.

      Des concepts comme la maladie, l'agression sexuelle ou la relation sexuelle sont réinterprétés ("travail tantrique", "voyage cosmique", "échange d'énergie").

      • Effacement de l'identité et induction de faux souvenirs : Une nouvelle identité est imposée aux adeptes, effaçant la leur.

      Des techniques comme les faux souvenirs induits ou la redéfinition des liens de parentalité (le gourou comme père/mère de tous les enfants) sont utilisées pour déstructurer l'individu.

      C. Le pouvoir judiciaire du gourou

      • Monopole de la sanction : Le gourou détient le droit exclusif de sanctionner, même en déléguant ce pouvoir à des membres du groupe dans un but précis (ex: imposition de relations aberrantes).

      • Déstabilisation permanente et menaces immatérielles : Le gourou "souffle le chaud et le froid" sur les adeptes, les jugeant, les punissant et organisant une surveillance constante.

      Des "châtiments physiques ou immatériels" (menaces de maladie, de mort, de sanctions sur la famille) planent constamment, agissant comme "une épée de Damoclès".

      II. Le rôle du groupe sectaire

      La communauté elle-même joue un rôle crucial dans l'emprise :

      Accueil et insertion : Le groupe facilite l'intégration des nouveaux membres. Renforcement de l'autorité : Il consolide le pouvoir du gourou.

      Désubjectivisation et indistinction : Le groupe participe à la "disparition de l'individu" par l'indifférenciation et l'identification fusionnelle, conduisant à une "indistinction entre soi et l'autre".

      III. Techniques de manipulation et stratégies d'altération du jugement

      Jean-Baptiste Bron décrit une séquence récurrente de techniques utilisées pour abolir le jugement et l'individualité des adeptes :

      • Love Bombing (Bombardement d'amour) : L'objectif est d'"apater le futur adepte", de l'entourer de flatteries et de lui faire miroiter une "réalité beaucoup plus attrayante, une utopie idyllique" pour le détourner de sa réalité souffrante.

      • Isolement progressif : Sous prétexte de "purification et d'évolution spirituelle", l'adepte est coupé de son "environnement habituel (familial, social, professionnel) et avec la société", et finalement, de "sa propre moralité, ses propres convictions".

      • Affaiblissement systématique : Pour empêcher toute révolte ou rétractation, l'adepte est affaibli physiquement et mentalement, soit par insuffisance (régimes alimentaires stricts, privation de sommeil, postures prolongées), soit par excès (travail excessif, logorrhée du gourou).

      • La doctrine/L'enseignement : Le dogme du gourou devient le "ciment de l'emprise", construisant son mythe et devenant un "prête à croire ou un prête à penser".

      • Déstructuration du réel : Des outils sont utilisés pour "couper l'adepte de ses anciens repères et de ses anciennes valeurs", en imposant la "grille interprétative de lecture" du gourou et en "altérant la perception du monde de l'adepte".

      • Culpabilisation du doute : Toute remise en question de la parole du gourou est interdite et perçue comme un "signe de faiblesse", visant à "annihiler le libre arbitre de l'adepte".

      • Mise en place de rappels : Des "rituels, bilans journaliers, annonces de dangers imminents, menaces de châtiment ou de damnation" sont constamment utilisés pour maintenir l'emprise et la peur.

      • En conclusion, l'intervention de Jean-Baptiste Bron met en lumière la complexité de l'emprise sectaire, qu'il analyse comme une forme de totalitarisme miniature, où la déconstruction de la réalité individuelle et collective est la pierre angulaire du contrôle exercé par le gourou.

    1. Compte rendu détaillé : La soumission chimique – Comprendre, Identifier et Lutter

      Ce document de briefing est basé sur la conférence de Juliette Descœurs, praticien hospitalier et biologiste au laboratoire de toxicologie de la Péronie, et experte près la cour d'appel de Montpellier, axée sur le phénomène de la "soumission chimique".

      Il vise à synthétiser les concepts clés, les substances impliquées, les méthodes d'analyse et les stratégies de prévention.

      1. Définition et Distinction de la Soumission Chimique

      Juliette Descœurs débute par une définition précise de la soumission chimique : « l'administration volontaire de substances psycho-actives à l'insu de la victime ou sous la menace à des fins à la fois soit délictuelles pour des vols des signatures de documents par exemple ou à des fins criminelles pour faire des agressions sexuelles des viols de la pédophilie ou des affaires que l'on retrouve dans des maisons de retraite ou même intrafamiliales ».

      Elle établit une distinction cruciale avec la "vulnérabilité chimique". Cette dernière désigne la « consommation volontaire par une personne de substance psychoactive qui conduirait à un état de vulnérabilité », où les agressions sont majoritairement perpétrées sur des victimes ayant consommé de l'alcool et/ou du cannabis.

      • Un point important soulevé est l'utilisation des substances comme « une stratégie pour instaurer une genre d'emprise par addiction à des psychotropes provoqués et alimentés par l'exploiteur ».

      Cette emprise est renforcée par le fait que « l'obtention de ces substances est réalisée par l'exploiteur lui-même », transformant l'emprise chimique en un moyen de « contraindre des personnes en situation de vulnérabilité à commettre des délits des crimes ou même à se mettre en danger ».

      2. Le "Produit Idéal" pour la Soumission Chimique

      Pour un agresseur, le produit idéal de soumission chimique présente plusieurs caractéristiques :

      Facilité d'obtention. Goût agréable ou sans goût. Forme liquide ou soluble, facilement dissoluble dans un milieu aqueux. Invisible. Actif à faible dose et à action rapide. Deux critères principaux sont recherchés pour classer ces substances :

      Vitesse d'élimination : « rapide ».

      Mécanisme d'action : « sédation, un effet amnésiant, une stimulation sexuelle, une action myorelaxante pour pouvoir faire un peu ce qu'on veut de la victime, une diminution de ces des réactions de défense ».

      3. Substances Utilisées dans la Soumission Chimique

      Les substances sont classées en deux catégories principales :

      3.1. Substances Non Médicamenteuses :

      • GHB (Gamma-Hydroxybutyrate) : Surnommé "liquide extasie" ou "drogue du violeur".
      • Forme : Poudre blanche soluble, liquide inodore et incolore.

      • Utilisation : Principalement dans les milieux festifs à des fins illégales en raison de son « effet amnésiant et inducteur de sommeil ». Souvent consommé avec de l'alcool.

      • Effets : Forte sensation de chaleur et d'ivresse (comparable à l'alcool) à faibles doses, puis quiétude, légère euphorie, désinhibition. À fortes doses : vertiges, perte de coordination, nausées, vomissements, coma, dépression respiratoire.

      • Furtivité : Qualifié de "furtif" car il disparaît rapidement du sang (jusqu'à 5-6h) et des urines (jusqu'à 10-12h). Sa particularité est sa double production : physiologique (taux basal de 2 à 3 mg/L) et in vitro (formation dans les échantillons mal conservés), rendant l'analyse complexe et nécessitant de prendre en compte la conservation, le seuil physiologique et les délais de prélèvement.

      • Alcool : Souvent le "numéro 1" des substances retrouvées, agissant comme un "alter ego du GHB" avec des effets euphorisants, désinhibants, stimulants et amnésiques. Les cas suspects de GHB se révèlent souvent être des intoxications alcooliques sévères (3 à 4 g/L).

      • Extasie (MDMA) : Mentionnée en lien avec l'affaire du sénateur Joël Guerriot. Présente une forte prévalence dans ce type de situations.

      • Effet : Antactogène, c'est-à-dire qu'il « altère le consentement de la victime » et provoque une « amnésie antérograde ». Bien que stimulant, il est un bon candidat pour la soumission chimique car il agit comme « un adjuvant de l'humeur par effet euphorisant et en abolissant la méfiance », rendant la victime « participative ».

      • Catinones de synthèse, cannabis, cocaïne.

      • Hallucinogènes :Scopolamine : Action sédative, provoque hallucinations, amnésie et pertes de conscience.

      • Ayahuasca (dérivé de la diméthyltriptamine) : Souvent associée aux rituels chamaniques, la littérature montre que les victimes se retrouvent souvent dans un « état second avec une impossibilité de s'opposer à des agressions sexuelles ».

      3.2. Substances Médicamenteuses :

      • Benzodiazépines et "Z-drugs" (hypnotiques apparentés) : (Bromazépam, diazépam, alprazolam, zolpidem, zopiclone). Mentionnées en écho au procès de Mazan (affaire Gisèle Pélico). Des langues bleues (additif du clonazépam) ont été observées dans des vidéos.

      • Propriétés : Anxiolytiques, anticonvulsivantes, sédatives, myorelaxantes et surtout « amnésiantes très recherchées par les agresseurs ». L'« amnésie antérograde et lacunaire » est particulièrement retrouvée avec les benzodiazépines hypnotiques sédatives à demi-vie courte, permettant aux agresseurs de faire accomplir des actes dont la victime ne gardera aucun souvenir.

      • Antihistaminiques (H1) : (Atarax, désloratadine, Aérius).

      • Effets : Sédation, somnolence, étourdissement, ralentissement des réflexes.

      • Neuroleptiques : Souvent détournés de leur usage, retrouvés dans des cas de maisons de retraite où des personnes âgées sont en état léthargique après administration à leur insu.

      4. Statistiques et Prévalence (Enquête CEIP-A 2022)

      En 2022, sur 1229 signalements suspects, 97 cas de soumission chimique ont été jugés vraisemblables. Les victimes étaient « essentiellement des femmes et dans des milieux festifs ».

      La majorité des substances impliquées étaient médicamenteuses, mais une part non négligeable de substances non médicamenteuses était également présente.

      Top 1 non médicamenteuses : MDMA (extasie), cocaïne, cannabis. Top 1 médicamenteuses : Benzodiazépines (bromazépam, zopiclone, hydroxyzine) et tramadol.

      5. Prise en Charge en Laboratoire (CHU La Péronie)

      Le laboratoire du CHU La Péronie a mis en place un protocole avec les urgences, l'Institut de Médecine Légale et la pharmacologie pour la prise en charge des cas suspects de soumission chimique.

      • Circuits de prélèvement :

      • Conservation : Demande de 4 tubes minimum (hépariné, fluoré, EDTA, urine).

      • Clinique : Demande de tubes supplémentaires si nécessaire pour des analyses complémentaires.

      • Gestion des échantillons : Détruits après 3 ans sans saisie de justice ; traités en cas de réquisition judiciaire.

      • Formulaire de réception des prélèvements : Essentiel pour compiler un maximum d'informations rapidement.

      • Informations clés : Date/heure supposée des faits, date/heure des prélèvements, prise en charge thérapeutique, traitement habituel de la victime, consommation éventuelle de stupéfiants.

      • Signes non cliniques : Agression physique (signes de violence), préjudice matériel (perte de carte bancaire, chéquier), découverte de substances sur les lieux.

      • Signes cliniques (neuropsychiques) :Durée de la phase léthargique et qualité du réveil : Différents selon les molécules (ex: GHB : sédation courte, réveil rapide et complet ; benzodiazépines : somnolence prolongée, réveils difficiles).

      • Troubles de la vigilance, propos désorganisés, troubles du comportement, hallucinations.

      • Amnésie : Classiquement « antérograde » (empêche l'enregistrement de nouveaux souvenirs) et « lacunaire » (absence de souvenir d'un moment de la vie).

      • Autres symptômes : Vomissements (GHB, absents avec antihistaminiques H1), sécheresse buccale marquée (effets anticholinergiques des antihistaminiques).

      • Types de prélèvements pour l'analyse :

      • Sang : Permet de remonter à la quantité prise, mais fenêtre de détection courte (quelques heures).

      • Urine : Fenêtre de détection plus large grâce à la présence de métabolites.

      • Cheveux : « Stabilité exceptionnelle » car matrice biologique non biodégradable.

      • Principe : 1 cm de cheveux correspond à environ un mois de condition de vie.

      • Avantages : Constitue une « sauvegarde des molécules » avec lesquelles le sujet a été en contact, documente un usage répété ou une exposition unique. Réalisé en zone de confidentialité et conservé à température ambiante.

      6. Moyens de Lutte et de Prévention

      • Mission gouvernementale sur la soumission chimique (rapport du 12 mai 2025) : Juliette Descœurs met l'accent sur la recommandation 43 : « un soutien à la recherche scientifique en galénique et en toxicologie qui permettra d'entraver la lutte contre le détournement criminel de médicaments ».

      • L'Agence du Médicament demande aux laboratoires titulaires d'une AMM de « modifier l'aspect visuel de tels médicaments en ajoutant par exemple des colorants (...) un goût, une odeur facilement identifiable et peut-être une texture aussi inhabituelle (faire des grumeaux à la surface) », pour permettre aux victimes de repérer un éventuel détournement.

      • Mouvement #metoo et visibilisation : Les agressions sexistes et sexuelles facilitées par l'absorption non consentie de substances psychoactives ont été mises en lumière dans le cadre d'événements festifs (#balancetonbar) et de la sphère privée (affaires Sandrine Josu et Gisèle Pécelico).

      • Campagne de sensibilisation (mai 2023) : Lancée par le CRAFS (Société Francophone des Sciences Pharmaceutiques Officinales), l'Ordre National des Pharmaciens, et l'association #Mandorpa, avec le soutien du Secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes. Le CRAFS est la « plateforme référente de santé publique qui informe sur les substances actuellement de soumission chimique ».

      • Ce briefing souligne l'importance d'une approche multidisciplinaire pour comprendre, identifier et combattre la soumission chimique, impliquant à la fois la recherche scientifique, l'adaptation des médicaments, la sensibilisation du public et une prise en charge médico-légale rigoureuse.

    1. Compte-rendu de la Conférence "Emprise"

      Ce document synthétise les points clés de la conférence sur l'emprise, en distinguant ce qu'elle n'est pas, ce qu'elle est, comment elle opère, qui l'exerce, et qui en est la proie.

      1. Ce que l'emprise n'est pas

      L'oratrice commence par définir l'emprise par la négation, afin de la distinguer de concepts proches mais différents :

      • L'Influence : Selon l'école de Palo Alto, "on ne peut pas ne pas communiquer", et "communiquer c'est influencer". L'influence est une caractéristique normale de la communication (ex: influenceurs, publicitaires). L'emprise débute lorsque l'influence "s'accompagne de coercition d'obligation".
      • La Stratégie : La stratégie, même si elle implique des "manœuvres", a des "buts éthiquement recevables" et la personne ciblée "a donné son accord". Contrairement à la manipulation, il est possible de "soulever le capot du moteur et dire ce que je suis en train de faire".

      2. Définition de l'Emprise

      Le terme "emprise" a des origines diverses, toutes liées à l'idée de "prendre" ou de "dominer" :

      • Étymologie : En chevalerie, c'était le contrat unissant un chevalier à son suzerain (relation de pouvoir). En administration, c'est la prise de terrain par expropriation ou occupation. En architecture, c'est la projection d'une construction sur une surface.
      • En psychologie : L'emprise est un "envahissement", une "main mise". Elle est définie comme "une relation de pouvoir et de domination qui est fondé sur la fascination et sur la peur".
      • Conséquences sur la proie : L'emprise "exproprie [...] la proie de sa subjectivité propre", c'est-à-dire sa façon de voir le monde, et de son "agentivité", sa capacité d'agir. En somme, elle exproprie la personne "de soi-même".

      3. Comment l'Emprise Opère

      L'emprise utilise diverses tactiques pour fragiliser et contrôler la victime (appelée "la proie" par l'oratrice, l'auteur étant "le prédateur") :

      Mise sous stress constant : * Renforcement intermittent : Inspiré par la cage de Skinner, le prédateur alterne récompenses et punitions de manière imprévisible ("un coup tu l'as un coup tu l'as pas"). Cela génère un "stress constant" et une "addiction", car la victime est constamment en attente. Ce stress érode le corps et l'esprit. * Mise en confusion cognitive : La victime ne "sait plus quel bout va devant". Cela se fait par la manipulation mentale : * Culpabilisation : Le prédateur rend la victime responsable de ses propres émotions ou situations, souvent en se positionnant en victime ("j'ai voyagé très très longtemps pour venir jusqu'ici... j'espère que vous allez m'écouter"). * Retournement : L'art de faire croire à la proie que "ce n'est pas le prédateur qui a fait une bêtise ou qui a généré une difficulté, c'est la proie". * Décontextualisation-Retournement-Essentialisation : Le prédateur oublie le contexte qu'il a créé, isole la réaction de la proie, et l'essentialise en un trait de caractère permanent et pathologique. L'exemple donné est celui de Monsieur Dupont qui, après avoir agressé Madame Dupont, la décontextualise en alcoolique parce qu'elle boit un whisky pour se calmer. * Gaslighting : "L'art de faire que l'autre doute de sa santé mentale." Cette manipulation est "extrêmement répandue" et vise à faire croire à la victime qu'elle est folle ou dérangée ("ce n'est pas moi qui dis n'importe quoi, c'est toi qui es folle"). * Mise en confusion émotionnelle : Notamment par l'alternance des "chauds et des froids", renvoyant au mécanisme du renforcement intermittent. Le prédateur ne répond pas de la même manière à la même situation, perturbant émotionnellement la proie.

      4. Qui met sous Emprise

      • Trois types de personnalités peuvent exercer une emprise :
      • Personnalités très obsessionnelles : Leur besoin de gérer une forte angoisse par des rituels intangibles et immuables peut amener leur entourage à "se plier à ces rituels" pour éviter des crises. Cette adaptation forcée conduit la victime à "s'exproprier de soi-même".
      • Personnalités paranoïques : Caractérisées par la méfiance, l'orgueil, la psychorigidité et la fausseté du jugement. Pour le paranoïaque, "qui n'est pas avec lui est contre lui" et doit être attaqué. L'entourage finit par adapter son comportement pour "ne pas pouvoir se faire attaquer par le paranoïaque", perdant ainsi sa spontanéité et son identité propre.
      • Pervers narcissiques (PN) : C'est le type le plus approfondi, car ils exercent l'emprise "pour mettre sous emprise, parce que ça le fait jouir".
      • Buts du PN : Il cherche à "asservir l'autre au sens le plus fort du terme", à "le déshumaniser", lui enlever sa subjectivité et son désir. Il cherche à posséder sa proie "comme un objet" pour :
      • Passer à l'acte son "envie hostile" (jalousie), détruisant l'autre.
      • Utiliser la proie comme "un élément de prestige" (ex: partenaire ou collaborateur prestigieux).
      • Flatter son "narcissisme malade", car il "confond son pouvoir avec son pouvoir de destruction". Sa force est mesurée à sa capacité à détruire l'autre.
      • Fonction de "poubelle psychique" : Le PN, derrière un masque de perversité, est d'une "extrême fragilité". Incapable de supporter d'être mauvais ou d'avoir failli, il projette tout ce qui est négatif sur la proie : "tout ce qui est bien c'est moi, tout ce qui est mal c'est toi". Il est en fait "plus dépendant de sa proie que sa proie de lui".
      • Partage de la folie : Citant Harold Searles, l'oratrice explique que le PN, en tant que psychotique ou pré-psychotique, cherche à "faire partager sa folie à l'autre", à "donner sa folie à l'autre par identification projective pour se sentir moins dingue". Le gaslighting, en particulier, sert à cela.

      5. Les Étapes de la Relation d'Emprise (Vue de la Proie)

      La relation d'emprise se déroule en plusieurs phases, souvent difficiles à discerner pour la proie et le monde extérieur :

      • La Séduction : Le prédateur "travestit l'existant", se "grime totalement" pour ressembler au partenaire idéal perçu. Il joue un "rôle de composition" complètement mensonger. La proie est séduite, "se laisse aller à croire au rêve bleu", rencontrant le prince charmant ou le collaborateur idéal.
      • Le Ferrage : Une fois la proie "engagée", survient le "moment chaos", le "ferrage", où la proie ne peut plus reculer "sans y laisser des plumes". Exemples : les enfants, un CDI, un bail commun, un mariage, des confidences compromettantes, des services rendus.
      • La Destruction-Séduction : La phase la plus longue, visant à "détruire, asservir, déshumaniser la proie". Cependant, lorsque la destruction dure trop longtemps, la proie envisage de partir. À ce moment, le PN réactive la séduction, permettant à la proie de "souffler un peu" et de se dire que "ça marche" si elle s'adapte. Cette alternance de destruction et de séduction rend la relation "addicte".
      • Difficulté de discernement : Pour les observateurs extérieurs (ex: juges), la proie apparaît incohérente et stressée, tandis que le prédateur est "beau, parfumé, en costume et tout à fait cohérent", rendant le prédateur plus crédible.

      6. La Relation d'Emprise (Vue du Prédateur)

      Le prédateur, souvent décrit comme un "œuf dur qui a une faille" (Kernberg), est intrinsèquement fragile :

      • Faille narcissique : Son "moi" est fissuré dès la petite enfance. Pour le maintenir entier, il fusionne son "moi" avec son "idéal du moi", cherchant à être une "personne idéale qui n'a aucun défaut". Il passe sa vie à "réparer la coque qui fuit de toute part", à "replatrer le narcissisme qui fout le camp".
      • Vide existentiel : Malgré ses efforts, il se sent "vide, sans couleur, sans saveur, sans odeur".
      • Repérage de la proie : Il repère une proie "riche" de qualités qu'il aimerait posséder. Il manque d'"empathie aimante" mais a une "empathie d'objets", repérant les failles de la proie.
      • Fantasme de fusion : Il se précipite sur la proie dans le fantasme archaïque que s'il la possède, il "va fusionner avec elle et en quelque sorte lui voler ses qualités".
      • Constat d'échec et destruction : Une fois la proie séduite, le PN constate qu'il est "toujours aussi vide, toujours aussi nul", et que sa proie est toujours mieux que lui. Il s'offre alors un "lot de consolation" et passe à l'acte son "envie hostile", la "désinguant à la mesure de ce qu'il en est jaloux". La proie sert alors de "poubelle psychique".

      7. Qui est la Proie

      • Potentiellement tout le monde : "On peut tous se faire avoir", la séduction et la manipulation fonctionnant sur chacun.
      • Caractéristiques générales : La proie est souvent "riche", "généreuse", "solaire", "intelligente" et a souvent "du prestige".
      • Capital économique : Peut entretenir le prédateur.
      • Capital symbolique : Savoir, diplômes, prestige social. Le prédateur peut tenter de s'approprier cette culture "par délégation".
      • Capital relationnel : Réseau social et professionnel.
      • Qualités converties en défauts : Les proies sont souvent "altruistes", de "bonne volonté", "intelligentes", "capables de se remettre en question", "qui cherchent à comprendre" les motivations d'autrui, et développent une "certaine naïveté" en imaginant que "tout le monde est comme ça". Ces qualités, comme l'amour, la compréhension, le pardon, sont transformées en défauts sous emprise.
      • Vulnérabilités (non fragilités) : Les proies ont des vulnérabilités issues de leur histoire (peur de l'abandon, soif d'attention/amour, carence affective). Il est crucial de les considérer comme des "vulnérabilités" (potentiel activable) et non des "fragilités" (potentiel déjà actif), pour ne pas renforcer le gaslighting exercé par le prédateur. Le prédateur "saute à pieds joints sur les vulnérabilités qui finit par transformer en fragilité".

      8. L'Accompagnement Thérapeutique des Proies

      Déconstruire le gaslighting : Contrairement à la psychothérapie habituelle où l'on renvoie la personne à sa responsabilité, dans l'accompagnement des proies, il faut d'abord "parler de l'autre" pour "démonter le gaslighting", mettre à jour et "détricoter" les manipulations. Reconnaître les vulnérabilités : C'est seulement après avoir déconstruit les manipulations et l'impact du prédateur que l'on peut aborder les vulnérabilités de la proie, pour comprendre "par quelle vulnérabilité il vous accroche". L'objectif est de ne pas confirmer la croyance de la proie qu'elle est "dingue" ou "névrosée".

    1. "Conférence CRIAVS - Emprise", organisée par Nelson Paris, pédopsychiatre sexologue et responsable du CRIAVS Lorraine à Nancy.

      Synthèse de la Conférence CRIAVS - Emprise Cette conférence explore la notion d'emprise, en particulier chez l'enfant, en la mettant en regard avec la théorie de l'attachement et le rôle de la figure maternelle/parentale.

      Elle soulève des questions cruciales sur la limite entre un attachement sain et une relation d'emprise, en soulignant les spécificités de l'enfant en tant que victime et les défis cliniques associés.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      1. L'Attachement à la Figure Maternelle/Parentale et la Notion d'Emprise Précoce

      • Distinction Attachement vs. Emprise : L'orateur introduit la difficulté de distinguer l'attachement, essentiel au développement de l'enfant, de l'emprise, qui a une connotation négative. L'objectif est de "discuter dans une journée qui est dédiée à l'adulte à l'enfant enfin voilà on parle d'un petit peu de tout en terme d'emprise donc de reprendre ce qui concerne plutôt le début de la vie euh avec donc la notion d'emprise de mettre en opposition l'emprise et peut-être l'attachement euh et d'essayer d'y comprendre qu'est-ce qui pourrait être du domaine du normal de la normale".
      • Évolution de la Terminologie de la Figure Maternelle : La notion de "figure maternelle" a évolué de la diade mère-père vers le concept de "caregiver" (Bowlby), qui peut être toute personne significative prenant soin de l'enfant, indépendamment du lien biologique ou administratif. Les évolutions sociétales (congé paternité, couples homosexuels) élargissent cette définition.
      • Rôle Essentiel de la Figure Maternelle/Caregiver : Le caregiver apporte réconfort, affection, alimentation ("rôle nourricier") et soins. L'absence de dimension affective, même avec des soins de nursing impeccables, peut être dévastatrice pour le développement de l'enfant, conduisant à des décès ou des psychoses, comme le montrent des études en orphelinat.
      • Le Lien Parent-Enfant Avant la Naissance : Le lien avec l'enfant se construit avant même la naissance, avec un "lien positif" (enfant attendu, voulu) ou parfois "négatif" (grossesses issues de violences sexuelles, ou traumas transgénérationnels des parents). Un exemple clinique frappant est celui d'une mère victime d'inceste qui qualifie son fils avant sa naissance de "violeur comme tous les autres", influençant le développement de l'enfant et conduisant à des actes de violence.
      • L'Interdépendance et le Lâcher-Prise : La relation parent-enfant est une interdépendance où chacun apporte à l'autre. Cependant, il est crucial que cette relation évolue et que le parent accepte le "lâcher-prise" à mesure que l'enfant grandit et devient moins dépendant. La difficulté de certains parents à lâcher le rôle nourricier ou le "petit dernier" peut poser problème et mener à des situations d'emprise.

      2. La Théorie de l'Attachement (Bowlby, Winnicott)

      • Le Socle Relationnel : L'attachement est le "socle quand même relationnel des êtres humains". La durée, la disponibilité et la qualité des réponses du caregiver sont fondamentales.
      • Fonctionnement de l'Attachement : Le nourrisson manifeste des besoins (câlins, pleurs) et la qualité des réponses du caregiver détermine le type d'attachement. Un attachement sécure est le "socle de la sécurité pour pouvoir explorer le monde".
      • Expériences de Harlow (Bébés Macaques) : Ces études classiques illustrent l'importance du réconfort et de la sécurité. Les bébés macaques privilégient la mère en tissu (chaleur, réconfort) même si la mère en fil de fer fournit la nourriture. En situation inconnue, la présence d'un "facteur de réassurance" (couverture) permet l'exploration.
      • Types d'Attachement :
      • Sécure (50-60%) : Permet l'exploration du monde.
      • Évitant : L'enfant ne reçoit pas de réponses adéquates, recherchant une indépendance inadaptée (ex: enfant qui ne pleure pas, car il n'a jamais de réponse parentale). "C'est là un exemple typique de cette recherche d'indépendance complètement inadaptée qui était une réponse aux besoins maternels plus qu'au besoins de l'enfant et où finalement l'enfant était à ce moment-là un objet et n'a pas été pris en compte comme un être à part entière".
      • Ambivalent/Résistant : Réponses incohérentes et instables.
      • Désorganisé : Présence de violence (maltraitance, violence conjugale, sexuelle), l'enfant craint sa figure d'attachement et reproduit la violence.
      • Rôle de l'Attachement dans le Développement : L'attachement influence le développement intellectuel (impossibilité d'apprendre en étant tétanisé), les relations sociales, et la capacité à créer du lien. Les attachements insécures sont à la base de troubles de la personnalité et augmentent le risque d'être "plus facilement victime ou auteur d'emprise".

      3. Spécificités de l'Emprise chez l'Enfant

      • Dépendance Naturelle de l'Enfant : L'enfant est intrinsèquement dépendant des adultes et "ne peut pas s'extraire de ce milieu-là". Il n'a pas l'autonomie critique pour juger les situations.
      • Intégration des Repères Parentaux : Les repères de l'enfant sont ceux inculqués par les adultes, ce qui rend difficile toute critique de ce qui est "normal" ou "pas normal".
      • Recherche d'Affection et Conflits de Loyauté : L'enfant recherche naturellement l'affection du parent, ce qui alimente l'emprise sans même nécessiter une phase de séduction explicite. Les conflits de loyauté rendent difficile pour un enfant de critiquer un parent, même en présence d'un système familial dysfonctionnel.
      • Naïveté et Vulnérabilités : L'enfant présente une plus grande naïveté et une confiance naturelle envers les adultes, augmentant sa vulnérabilité. Les "événements d'adversité" (ACE) fragilisent l'attachement et augmentent le risque d'être impliqué dans des relations d'emprise.
      • Vulnérabilité et Emprise (même avec un attachement sécure) : Un attachement sécure est un facteur protecteur, mais des facteurs de stress accumulés (ex: infidélité, perte d'emploi, maladie) peuvent rendre n'importe qui vulnérable et tolérer des situations inacceptables, menant potentiellement à l'emprise.

      4. Situations Cliniques d'Emprise en Pédopsychiatrie

      • Münchausen par Procuration : Maladie simulée ou produite délibérément par un parent chez son enfant, souvent pour obtenir une reconnaissance ou pour répondre à un besoin psychique propre du parent (ex: culpabilité face à une maladie génétique transmise). L'enfant n'est pas scolarisé, renforçant le lien. Le risque est le "nomadisme médical".
      • Le diagnostic exige une évaluation en équipe pluridisciplinaire, en prenant le temps de comprendre la dynamique familiale et de ne pas faire de signalement trop rapide.
      • L'orateur estime que le Münchausen par procuration, notamment dans ses formes psychiques, relève de l'emprise, car il s'agit d'un "système relationnel" où l'enfant ne pense plus par lui-même.
      • Aliénation Parentale : Concept débattu où un parent utilise l'enfant pour nuire à l'autre parent et l'exclure de la vie de l'enfant.
      • Controverse : Initialement décrit par Richard Gardner, sa validité scientifique est contestée. Le risque majeur de l'utilisation de ce terme est que "l'enfant n'est plus entendu".
      • Impact Judiciaire : Des études aux États-Unis montrent que l'invocation de l'aliénation parentale par le père divise par deux la probabilité que les accusations de violence faites par la mère soient reconnues, et presque par quatre quand il s'agit de violence envers les enfants, et quasiment jamais pour les accusations de violence sexuelle (2%). Cela peut conduire à ce que des enfants soient confiés à des parents violents ou agresseurs sexuels.
      • L'orateur souligne la nécessité d'une prise en charge globale du système familial si ce concept est retenu, afin d'éviter des préjudices à l'enfant.
      • Inceste : Caractérisé par une "emprise généralisée" où le silence est imposé pour assurer l'impunité de l'agresseur. La structure familiale est "contaminée", et souvent, même lorsque l'enfant parle et est cru, "il se passe rien" (45% des confidents ne font rien). Les agressions ont lieu en présence d'autres membres de la famille dans près d'un cas sur deux, menant à une banalisation et des "distorsions" de la réalité.
      • Loverboy (Prostitution des Mineurs) : Un adolescent (le proxénète) exploite une jeune fille (souvent sa petite amie) par la prostitution, en utilisant le "champ émotionnel" plutôt que la menace directe.
      • Mise en place : Création d'une dépendance affective et financière, isolement de la victime, et potentiellement incitation à la prise de psychotropes.
      • Exploitation : Demandes de prostitution de plus en plus fréquentes, avec un mécanisme de "remboursement" des dépenses créant une dette illusoire.
      • Profil des Victimes : Tous les milieux peuvent être touchés, mais les jeunes filles "carencées avec des attachements insécures" sont plus à risque. Le recrutement se fait souvent dans des foyers, et les victimes peuvent percevoir cette relation comme une forme d'amour ou une "meilleure vie".
      • Défis de l'Accompagnement : La prise en charge est complexe, nécessitant une présence durable et la recherche d'un lien pour développer la "capacité critique" de la victime, sans enfermer, car la récidive est fréquente.

      Conclusion Générale :

      La conférence insiste sur la complexité de l'emprise, particulièrement chez l'enfant, qui est naturellement dépendant et vulnérable. Les troubles de l'attachement, souvent transmis de génération en génération, constituent un facteur de risque majeur pour devenir victime ou auteur d'emprise.

      Cependant, l'emprise peut aussi survenir chez des individus avec un attachement sécure, en cas d'accumulation de facteurs de stress et de vulnérabilités.

      L'orateur souligne l'importance d'une approche pluridisciplinaire et d'une prise en charge attentive pour protéger les enfants et déconstruire les mécanismes de l'emprise.

      La prudence est de mise concernant certains concepts controversés comme l'aliénation parentale, dont l'invocation peut nuire aux victimes et détourner l'attention des violences subies.

    1. Document de Synthèse : L'Emprise et ses Implications Médico-Légales

      Ce briefing synthétise les points clés de la conférence intitulée "Conférence CRIAVS - Emprise", abordant la nature complexe de la relation d'emprise, son exploration psychiatrique et ses implications juridiques.

      L'intervenant, un psychiatre, met en lumière les désaccords avec les approches précédentes, soulignant l'importance d'une compréhension holistique du lien auteur-victime.

      1. Préambule : Distinction et Compréhension

      L'orateur introduit son propos en soulignant une divergence d'approche avec la loi actuelle. Tandis que le droit distingue clairement les victimes des auteurs, la psychiatrie s'intéresse à la dynamique du lien entre les deux.

      • L'approche juridique vs. psychiatrique : "d'un côté il y a la loi qui aujourd'hui distingue de façon très claire les victimes d'un côté les auteurs de l'autre... moi je me place du côté de la psychiatrie et du côté de la psychiatrie il y a un intérêt à aller chercher à renseigner ce qui se passe dans le lien entre une victime et un auteur."

      • Objectif de la compréhension : Comprendre les mécanismes ne signifie ni excuser l'auteur, ni blâmer la victime, mais "identifier mieux" et "juger mieux" pour des raisons médico-légales et thérapeutiques.

      2. La Complexité du Lien Auteur-Victime

      Le lien entre l'auteur et la victime est intrinsèquement complexe, pouvant même présenter une "zone de chevauchement" où les rôles peuvent s'inverser.

      • Zone grise et inversion des rôles : "il peut exister entre la victime et l'auteur une zone de chevauchement une zone grise... il y a des mécanismes un peu de renversement c'est-à-dire que la victime elle devient un peu hauteur et l'auteur il devient un peu victime."

      • Le même individu peut être les deux : "la victime et l'auteur peuvent être aussi une seule et même personne c'est-à-dire que quelqu'un peut avoir été victime et devenir auteur quelqu'un peut avoir été auteur et devenir victime encore."

      3. Critique de l'Expertise Actuelle

      L'intervenant dénonce la pratique actuelle qui consiste à confier l'expertise de l'auteur à un psychiatre et celle de la victime à un psychologue, alors que l'explication de la relation d'emprise nécessite une approche globale.

      • Scission de l'expertise : "on va confier l'expertise de l'auteur à un psychiatre... et on va confier l'expertise de la victime à une ou un psychologue."

      • Incohérence de la demande : "comment vous voulez expliciter une relation d'emprise si vous n'avez examiné qu'un seul [individu]?"

      • Recommandation : Il est "intéressant que ça soit le même professionnel ou alors une association de mêmes professionnels psychiatres et psychologues par exemple qui puissent examiner à la fois l'auteur et à la fois la victime."

      4. L'Expertise Psychiatrique : Constats et Limites

      L'expertise psychiatrique des auteurs d'emprise révèle des constats importants sur l'absence fréquente de troubles mentaux graves ou d'altération du discernement, mais met en évidence des fonctionnements de personnalité spécifiques.

      • Absence de diagnostics graves : "dans la plupart des cas les auteurs... n'ont pas de pathologie mentale avérée... on ne trouve pas non plus de trouble grave de la personnalité."

      • Discernement non aboli : "dans la plupart des cas il y a pas de notion d'altération il y a pas de notion d'abolition du discernement ou du contrôle de ces actes."

      • Dangerosité criminologique : L'évaluation se concentre sur le risque de réitération, en identifiant des facteurs de bon et mauvais pronostic.
      • Fonctionnements de personnalité identifiés :Obsessionnel : "ils sont dans le contrôle d'eux-même de leurs émotions de le contrôle de leur environnement."

      • Paranoïaque : Avec "suspicion d'infidélité tout ce qui est de l'ordre des interprétations tout ce qui est de l'ordre des projections."

      • Borderline : Caractérisé par une alternance "je fusionne je rejette je fusionne je rejette" et une "dimension abandonique".
      • Refus du terme "pervers narcissique" : Le terme "pervers" n'est pas référencé en psychiatrie et l'intervenant préfère décortiquer les mécanismes comme "la séduction, le déni d'altérité... la manipulation... la transgression."
      • Du côté de la victime, l'expertise cherche à établir un lien de cause à effet entre l'emprise et les troubles psychiques (dépression, anxiété).

      La "vulnérabilité" est entendue au sens médico-légal (mesure de protection), bien que des "fragilités" puissent être notées.

      Traumatisme développemental : Le cœur de la vulnérabilité réside dans le "trauma développemental", souvent lié à des "négligences" précoces. Inadaptation du système d'attachement : C'est la "clé de la relation d'emprise."

      5. Les Étapes de la Relation d'Emprise

      La relation d'emprise suit des phases distinctes, souvent schématisées pour en faciliter la compréhension juridique :

      • Séduction et adhésion initiale (Love bombing) : Compliments, cadeaux, affection intense, fausse empathie créant une "dépendance affective rapide" et une "lune de miel."
      • Confusion et culpabilisation : Introduction graduelle de comportements de contrôle, critiques déguisées, changements d'humeur imprévisibles, "brouillage cognitif" (ex: gaslighting "je ne t'ai jamais dit ça tu inventes"). La victime perd confiance en son jugement. La culpabilisation pour de prétendus manquements s'installe.
      • Isolement et contrôle : L'auteur isole la victime de ses proches. La victime s'isole elle-même par honte ou pour éviter les conflits, perdant ainsi ses repères extérieurs. Le contrôle se manifeste par la surveillance des faits et gestes, du téléphone, de l'argent.
      • Privation et menace : Privation d'affection, harcèlement, et enfin menaces directes ("si tu me quittes je te détruirai", "je me suiciderai", "tu perdras les enfants"), souvent le moment où la justice intervient.

      6. Le Rôle Fondamental de l'Attachement Désorganisé

      L'attachement est un lien affectif essentiel au développement humain. Un attachement sécure permet l'autorégulation, mais un attachement dysfonctionnel, notamment désorganisé, crée le terrain propice à l'emprise.

      • Définition de l'attachement : "un lien affectif et il est à la base c'est une nécessité pour le développement humain."
      • Lien avec l'emprise : "pour moi il n'y a pas d'emprise sans problématique d'attachement." L'attachement désorganisé est le type le plus propice.
      • Origine de l'attachement désorganisé : Figures d'attachement (souvent les parents) "incohérentes," "effrayantes ou effrayées," "sévèrement déprimées," "désaccordées," "avec des traumas non résolus," ou "maltraitantes ou négligentes." La négligence seule peut suffire.
      • Mécanismes : L'enfant est confronté à une "peur sans solution" et sa figure d'attachement est "incapable de le réguler." Il "désactive son système d'attachement" et développe des "stratégies de contrôle" pour rééquilibrer le dysfonctionnement.
      • Mécanismes de contrôle dans l'emprise : "contrôle prendre soin," "contrôle punitif," "contrôle séduction," "contrôle soumission."

      7. Le Fonctionnement Défensif de l'Auteur

      La relation d'emprise est un "fonctionnement défensif" pour l'auteur, qui tente de gérer une problématique interne en l'externalisant.

      • Externalisation : L'auteur "externalise sa propre problématique" et "rend l'autre responsable de ses propres actes et de ses propres défaillances."
      • Projection : "en les pointant chez l'autre ou en les projetant chez l'autre ça va lui permettre de ne pas regarder les siennes."
      • Peur de la projection : Paradoxalement, l'auteur "va avoir peur de ce qu'il voit" chez la victime, désignée comme un agresseur car elle porte la projection de sa propre agressivité.

      8. L'Évolution du Cadre Légal et Recommandation Finale

      La justice évolue, reconnaissant l'emprise sous le terme de "contrôle coercitif", mais sa démonstration reste un défi.

      • Vers le "contrôle coercitif" : "l'emprise ça existait pas donc on a on va appeler ça contrôle coercitif."
      • Démonstration légale : Il faut prouver l'intentionalité de l'agresseur, la perception négative du comportement par la victime, les dégâts causés, et l'existence de "menaces ouvertes" en cas de tentative d'échapper au contrôle.
      • Importance de l'exploration du lien : L'exploration de la "zone grise" entre victime et auteur "ne remet aucunement en question la position de victime et la position d'agresseur devant la loi... mais ça permet de comprendre et je pense que c'est cette compréhension qui permettra de faire avancer les choses."

      En conclusion, la conférence souligne l'impératif d'une approche intégrée en matière d'emprise, où la compréhension des mécanismes psychologiques, notamment ceux liés à l'attachement désorganisé, doit éclairer et enrichir l'action judiciaire, malgré les défis de traduction des concepts psychiatriques dans le langage juridique.

  2. Oct 2024
    1. Résumé de la Vidéo

      Cette vidéo présente le syndrome de la bande, un phénomène affectant les préadolescents et adolescents, qui croient que l'appartenance à un groupe offre une protection. Emmanuel Piqué discute des comportements douloureux engendrés par cette croyance, comme la quête désespérée d'acceptation et la tolérance de mauvais traitements pour ne pas être exclus. Il propose le concept de "cordon sanitaire" comme alternative, encourageant la création de liens protecteurs avec des individus bienveillants plutôt que de chercher l'approbation d'un groupe.

      Points Forts: 1. Le syndrome de la bande [00:00:10][^1^][1] * Affecte les jeunes qui cherchent protection dans les groupes * Génère des comportements douloureux et de rejet * Basé sur une croyance délétère influencée par les médias 2. Les comportements problématiques [00:00:31][^2^][2] * Désir intense d'intégration dans des groupes non accueillants * Acceptation de mauvais traitements pour appartenir à un groupe * Exemple de Morgan, maltraitée par son groupe d'amies 3. Le cordon sanitaire [00:03:14][^3^][3] * Stratégie alternative pour créer des liens protecteurs * Choix des individus basé sur la gentillesse perçue * Encourage l'indépendance vis-à-vis des groupes problématiques

    1. Résumé de la Vidéo

      Cette vidéo présente des conseils d'Emmanuel Piqué, thérapeute systémique, sur la manière d'aider un enfant rejeté par ses camarades à l'école. Il partage l'histoire de Mia, une fillette de 7 ans qui entretient une relation difficile avec une camarade, Jade. La vidéo explore les tentatives de la mère de Mia pour résoudre le problème et propose une approche narrative pour aider Mia à comprendre sa situation et à prendre des décisions éclairées concernant son amitié avec Jade.

      Points Forts: 1. La problématique du rejet scolaire [00:00:00][^1^][1] * Emmanuel Piqué aborde le sujet du rejet scolaire * Il partage l'histoire de Mia, rejetée par une camarade * La mère de Mia est inquiète et cherche des solutions 2. Les tentatives de résolution [00:01:24][^2^][2] * La mère de Mia explique ce qu'est une amitié saine * Elle interroge Mia sur sa relation avec Jade * Elle a tenté de parler aux parents de Jade et à la direction de l'école 3. L'approche narrative [00:03:19][^3^][3] * Piqué suggère de raconter une histoire métaphorique à Mia * L'histoire vise à aider Mia à réfléchir sur sa situation * Il souligne l'importance du choix de Mia et du respect de sa décision