Compte Rendu Détaillé – Audition du Directeur de la Sécurité Sociale sur l'Organisation du Système et les Difficultés d'Accès aux Soins Date: Réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale (la veille de l'audition).
Source: Extraits de "🔴Le directeur de la Sécurité sociale sur l’organisation du système & les difficultés d’accès au soin"
I. Thèmes Principaux * Cette audition du Directeur de la Sécurité Sociale aborde principalement la situation financière préoccupante de la Sécurité Sociale, en particulier de la branche maladie, la nécessité impérative d'un retour à l'équilibre financier, et les leviers possibles pour y parvenir.
La discussion s'est également étendue à la tarification à l'activité des hôpitaux, aux coûts des dispositifs médicaux, à la prise en charge des affections de longue durée (ALD) et des transports sanitaires, ainsi qu'à la question plus large de l'efficience du système de santé et de la structure de financement de la protection sociale.
II. Idées et Faits Importants
A. Situation Financière de la Sécurité Sociale
- Déficit Problématique: La Sécurité Sociale fait face à un déficit significatif. Les chiffres récents, communiqués la veille de l'audition, confirment un déficit de 22 milliards d'euros pour l'ensemble de la Sécurité Sociale en 2025.
- Branche Maladie en Cause: La branche maladie est la principale contributrice à ce déficit, représentant 16 milliards d'euros du total en 2025. L'autre branche majeure est la vieillesse.
- Aggravation des Prévisions: À l'horizon 2029, le déficit pourrait atteindre 25 milliards d'euros pour l'ensemble de la Sécurité Sociale, dont près de 20 milliards d'euros pour la seule branche maladie.
- Hypothèses Fragiles: Ces projections reposent sur des hypothèses "lourdes" :
- Hypothèses macroéconomiques du gouvernement: Cohérentes avec les projections des finances publiques, mais potentiellement affectées par la situation internationale et les conflits commerciaux, d'où une "nécessairement une forme de fragilité".
- Maîtrise des dépenses de l'assurance maladie (ONDAM): La trajectoire est basée sur une maîtrise de l'ONDAM à hauteur de 2,9% par an jusqu'en 2029. Le Directeur souligne que "si l'on ne fait rien, si l'on n'agit pas spontanément les dépenses d'assurance maladie sont bien plus dynamiques que cela".
B. Nécessité d'un Retour à l'Équilibre et ses Implications
- Effort Colossal Requis: Pour ramener la branche maladie à l'équilibre d'ici 4 ans, un effort de l'ordre de 40 milliards d'euros est nécessaire. Cela inclut 20 milliards d'euros pour contenir l'ONDAM à 2,9% et 20 milliards d'euros pour combler le déficit persistant malgré cet effort.
- Le Directeur donne une comparaison pour illustrer l'ampleur de ce montant : "40 milliards d'euros c'est par exemple toute la dépense d'assurance maladie euh de remboursement de produits de santé donc de médicaments et dispositifs médicaux".
- Pérennité de la Protection Sociale: Le retour à l'équilibre est "absolument indispensable" pour "assurer tout simplement la pérennité de notre protection sociale qui est quand même un des piliers de notre de notre de notre République".
- Confiance des Citoyens: La persistance des déficits entraîne une "perte de confiance de nos concitoyens dans la solidité de leur protection sociale ce qui est pas bon non plus pour le pacte social".
- Solidarité Intergénérationnelle: Financer la protection sociale "à crédit" revient à faire "payer aux générations futures par exemple des maladies les soins d'aujourd'hui", alors qu'elles "devront faire face à des dépenses de santé sans doute encore plus élevé" en raison du progrès médical et du vieillissement.
C. Leviers pour le Retour à l'Équilibre
-
Le Directeur identifie trois grandes familles de leviers pour ramener la branche maladie vers l'équilibre, reconnaissant que l'ampleur de l'effort nécessitera une combinaison de tous ces leviers:
-
Agir sur l'efficience du système de santé:
- Payer les soins à leur juste coût: Cela implique la renégociation annuelle du prix des prestations et produits de santé.
- Maîtriser les volumes de soins: Se préoccuper de la "pertinence des soins et des actes qui sont réalisés dans notre système de santé".
- C'est le levier le plus consensuel dans l'énoncé mais souvent confronté à des résistances lors de la mise en œuvre.
- Le rapport de la Cour des Comptes documente un effort de 20 milliards d'euros sur l'ONDAM par ce biais, mais ce n'est pas suffisant pour le retour à l'équilibre total.
- Réinterroger le périmètre de la protection sociale: Ce levier est "un peu moins consensuel dans son énoncé", mais "pas moins un axe légitime à manipuler". Il s'agit de revoir "le niveau de socialisation des des dépenses".
- Rechercher davantage de recettes: Cela se heurte "au consentement Ă l'impĂ´t ou aux contributions sociales de nos concitoyens".
D. Tarification à l'Activité (T2A) et Gains de Productivité
- Allocation de Ressources, non Régulation des Dépenses: La T2A est "avant tout un modèle d'allocation de ressources", pas un outil pour déterminer la quantité globale de ressources allouées. La nation décide du volume d'argent, et la T2A le répartit.
- Critique de la Régulation Prix/Volume: Ce qui est reproché à la T2A, et à toute tarification, est une "forme de régulation prix volume", où l'augmentation des volumes conduit à jouer sur les prix pour capturer des "gains de productivité".
- Recherche de Gains de Productivité: La recherche de gains de productivité dans le système de santé "n'est pas un tabou" et est nécessaire pour "soigner mieux et plus nos concitoyens avec le le le le meilleur niveau de de enfin le moins possible de dépenses publiques".
- Le Directeur souligne que l'augmentation spontanée des dépenses de santé de "plus de 4% par an" n'est pas due au gaspillage, mais à :
- Démographie: Vieillissement de la population et augmentation des besoins de santé.
- Épidémiologie: Essor des maladies chroniques.
- Progrès Médical: "plutôt une bonne nouvelle" qui rend des pathologies autrefois mortelles chroniques, augmentant l'espérance de vie et les dépenses.
- Pérennité du Système: Les "gains de productivité" visent à "assurer la pérennité de notre de notre système de protection sociale et et du pilier du pilier social de notre République qui est la sécurité sociale".
E. Efficience des Dépenses de Santé et Coûts Spécifiques
- Retard dans la Réévaluation des Tarifs: Le Directeur reconnaît que le système est "toujours un petit peu en retard par rapport à l'évolution des pratiques et l'évolution des technologies".
- Chantiers en Cours pour l'Efficience:Réforme de financement pour la dialyse/radiothérapie: Vise à la fois l'efficience et une meilleure incitation à la qualité.
- Révision de la nomenclature des actes: Pour rééquilibrer les tarifs (certains actes trop rémunérés, d'autres pas assez), et permettre l'intégration d'actes innovants.
- Enquêtes de coût régulières: Cruciales pour ajuster les tarifs à la réalité des coûts supportés par les établissements. La dernière enquête nationale des coûts utilisable date d'avant 2020 (crise COVID ayant perturbé la collecte de données). Une nouvelle est en cours, les résultats attendus l'année prochaine.
- Le risque est la création de "rentes sur certaines activités" ou de "déficits chroniques" sur d'autres.
- Coût de l'Intérim Hospitalier: Le coût n'est pas en tête mais reconnu comme un "motif de surcoût" important, pesant sur les déficits hospitaliers.
- Des actions de régulation ont été mises en place (limites aux abus, plafonnement des tarifs).
- L'intérim est aussi un "symptôme de difficulté de recrutement" et d'organisations hospitalières qui "surconsomment de la ressource humaine".
- Rémunération des Professionnels de Santé: La question de l'équité des rémunérations entre les différents statuts (PH, libéral, intérim) et entre spécialités est soulevée. Le système actuel ne permet pas de garantir une égalisation des rémunérations.
- Dispositifs Médicaux (DM):La Haute Autorité de Santé (HAS) évalue la "valeur en santé" des DM.
- Le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS) négocie les prix avec les industriels, basée sur l'évaluation de la HAS et la concurrence.
- Une nouvelle technique qui n'apporte pas d'amélioration significative devrait permettre une baisse des coûts du soin.
- Ces renégociations annuelles "ne sont pas des économies sèches" mais permettent de "limiter leur croissance" et sont souvent "recyclées dans la tarification de nouveaux produits qui arrivent qui apportent même un progrès".
F. Sujets Spécifiques de Prise en Charge
- Transports Sanitaires:La croissance des coûts est liée en partie à l'éloignement de l'offre de soins, qui est elle-même "avant tout le résultat du progrès médical" (nécessité d'accéder à des spécialités de haut niveau concentrées).
- La recherche d'économies vise des "gains de productivité" (ex: transport partagé), sans réduire le périmètre de prise en charge par la Sécurité Sociale.
- Affections de Longue Durée (ALD):Le taux de prise en charge par la Sécurité Sociale augmente sur le long terme (environ 80% aujourd'hui), en raison de l'augmentation du nombre d'ALD et de leur coût élevé.
- Le Directeur évoque la possibilité de "recentrer" l'intervention de l'assurance maladie sur les patients les plus malades, mais met en garde contre le risque de ne plus couvrir suffisamment les "soins courants qui sont de nature à permettre d'éviter à nos concitoyens de rentrer dans une pathologie chronique".
- Périnatalité:La périnatalité et l'obstétrique sont des activités fréquemment déficitaires pour les hôpitaux publics, en raison de la baisse de la natalité et d'une possible "désynchronisation entre le coût et ce qui est rémunéré".
- L'actualisation de l'enquête de coût devrait permettre de rééchelonner les tarifs. Des "coups de pouce" tarifaires ont déjà été accordés ponctuellement à ces activités.
- Accès aux Soins des Personnes en Situation d'Obésité:Problème persistant des coûts élevés des transports en ambulance bariatrique non urgents, qui restent à la charge des patients, entraînant un "non recours aux soins" et des situations "dramatiques".
- Une "tarification spécifique" pour ces transports est à l'étude et "travaillée", mais sans délai précis.
G. Enjeux Structurels du Financement
- Coût du Ségur de la Santé: Le coût pour l'assurance maladie est d'environ 13 milliards d'euros cette année, la majorité étant des revalorisations salariales pérennes. Ce coût n'a pas été compensé par de nouveaux financements pour la Sécurité Sociale, expliquant en partie la dégradation de ses comptes.
- Baisse des Cotisations et Équilibre Financier:Le Directeur pointe une "double aspiration contradictoire de nos concitoyens" : bénéficier d'une protection sociale toujours plus protectrice et payer moins de cotisations (via des exonérations ou des primes exonérées).
- "On ne peut pas utiliser l'argent Ă deux objectifs", car "on ne peut pas vouloir Ă la fois payer moins d'impĂ´ts et avoir plus de protection sociale".
- La "Grande Sécu":L'idée d'une fusion des différentes branches d'assurance maladie (et potentiellement l'intégration des mutuelles) est évoquée.
- Avantages financiers: Gains potentiels estimés entre 3 et 6 milliards d'euros grâce à la réduction des "coûts de gestion très élevés" des assurances complémentaires (coûts d'acquisition, de publicité, d'affiliation/désaffiliation). L'assurance maladie obligatoire n'a pas ces coûts.
- Inconvénients/Défis: Restructuration majeure du secteur des complémentaires (perte d'emplois), transformation des cotisations des complémentaires en "prélèvement obligatoire". C'est une piste "tellurique" et complexe.
III. Citations Clés
- "un déficit en 2025 euh qui confirmait à hauteur de 22 milliards d'euros pour l'ensemble de la sécurité sociale et sur ces 22 milliards d'euros euh la branche maladie euh représente 16 milliards d'euros de déficit"
- "si l'on veut ramener à l'équilibre la branche maladie de la sécurité sociale dans les 4 ans qui viennent c'est un effort de l'ordre de 40 milliards d'euros qu'il nous faut réaliser"
- "40 milliards d'euros c'est par exemple toute la dépense d'assurance maladie euh de remboursement de produits de santé donc de médicaments et dispositifs médicaux"
- "il est absolument indispensable de ramener la sécurité sociale à l'équilibre et c'est pas une obsession comptable... c'est d'assurer tout simplement la pérennité de notre protection sociale qui est quand même un des piliers de notre de notre de notre République"
- "financer notre protection sociale à crédit euh c'est aussi d'une certaine manière euh s'inscrire dans la négation de ce que de ce que sont les valeurs de notre protection sociale de la solidarité entre les générations"
- "ma conviction c'est que vu l'ampleur de l'effort euh que je citais tout Ă l'heure on n'a pas d'autre choix sans doute que de combiner l'ensemble de ces leviers"
- "un modèle de financement c'est avant tout un modèle d'allocation de ressources pas un modèle de c'est pas un mode de régulation de la dépense" (concernant la T2A)
- "rechercher des entre guillemets gains de productivité ça n'est pas rechercher à à rémunérer je ne sais quel actionnaire de ce système de santé il n'y en a pas c'est chercher à assurer la pérennité de notre de notre système de protection sociale"
- "les dépenses de santé évoluent à plus de 4 % par an ça n'est pas le résultat d'une forme de gabji ou de je ne sais quel gaspillage d'argent public c'est d'abord et avant tout le résultat de l'évolution de la démographie [...] de l'évolution épidémiologique [...] du progrès médical"
- "on est en fait toujours un petit peu en retard par rapport à l'évolution des pratiques et l'évolution des technologies" (concernant la tarification des actes)
- "l'intérim est aussi le symptôme de difficulté de recrutement"
- "il est parfaitement naturel que les coûts de gestion de la science maladie complémentaire soient plus élevé que la science maladie obligatoire" (à propos de la "Grande Sécu")
- "on peut pas on peut pas utiliser l'argent à à à deux objectifs hein cet argent soit il est c'est un gain de pouvoir d'achat immédiat soit il sert à assurer la ou à garantir l'ampleur de de la protection sociale dont nous bénéficions"