Briefing Document : La controverse autour du HPI et du HPE dans le champ de la psychiatrie
Source : Excerpts de l'épisode "Les psychiatres en ont marre des histoires de HPI et HPE !
Avec le psychiatre Michael Sikorav" du podcast "Intensément".
Date : Non spécifiée dans l'extrait.
Présenté par : Raf (animateur d'Intensément) et Dr. Michael Sikorav (psychiatre).
Thèmes Principaux :
- La saturation et l'irritation des psychiatres face à la "pathologisation" du Haut Potentiel Intellectuel (HPI) et du Haut Potentiel Émotionnel (HPE).
- La pétition collective dénonçant les dérives de l'attribution systématique de souffrances psychologiques au simple fait d'être HPI.
- Le décalage entre le nombre de psychologues et neuropsychologues soutenant la pétition et le faible engagement des psychiatres.
- L'expérience clinique du Dr. Sikorav et de sa femme (également psychiatre) face à des patients arrivant avec des auto-diagnostics ou des bilans neuropsychologiques mettant en avant le HPI/HPE comme explication principale de leurs difficultés.
- La critique de la sur-interprétation des bilans neuropsychologiques et de la multiplication des diagnostics de HPI/HPE, parfois sans réelle correspondance avec les critères ou les problématiques psychiatriques sous-jacentes.
- La mise en lumière des dangers de ces diagnostics erronés, retardant la prise en charge de véritables troubles psychiatriques.
- Une discussion nuancée sur l'intérêt et les limites des tests de QI et des concepts de HPI/HPE dans la pratique clinique psychiatrique.
- Une critique plus large de la qualité de la psychothérapie et du manque de mise à jour des connaissances des professionnels.
- La dimension sociale et la "hype" autour des diagnostics de HPI/TSA/TDH, contrastant avec une moindre attention portée à des troubles comme le bipolaire.
- L'humilité et la prudence du Dr. Sikorav face à la complexité des diagnostics et à l'évolution des connaissances.
Idées et Faits Importants :
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Irritation des psychiatres : Le titre même de l'épisode et les propos du Dr. Sikorav soulignent une exaspération croissante des psychiatres face à la focalisation excessive sur le HPI/HPE. Sa femme, également psychiatre, aurait une réaction "épidermique" en entendant parler de HPI, allant jusqu'à casser des chaises, illustrant une forte frustration.
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Citation : "Bah en fait nous ce qui se passe que le HPI ça se présente comme ça C'est j'ai des j'ai des gens qui viennent et genre par exemple j'ai un ados qui ne va plus en cours qui a des idées suicidaires qui éventuellement entend les voix du Seigneur qui lui disent que le monde la fin du monde est proche
Et j'ai le patient qui vient et qui me dit et je fais 'Bah vous pensez qu'il lui arrive quoi à votre fils ?' Quoi et ils me disent il y en a qui me disent 'Bah écoutez je pense il y a un peu de l'angoisse et aussi on m'a parlé de HPI Et c'est vrai que moi ça me fait péter un câble Péter un câble à l'intérieur Ouais c'est clair
Et du coup ma femme c'est carrément épidermique tu vois si tu veux elle arrive même plus à se contenir quand elle rentre Des fois elle casse des chaises elle en peut plus Donc donc je pense que les psychiatres aussi ça les gaffe d'entendre parler de la C'est pour ça qu'on fait cette pétition justement."
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Pétition et manque de soutien psychiatrique : Une pétition dénonçant la pathologisation du HPI a recueilli plus de 1400 signatures et le soutien de nombreux professionnels (psychologues, neuropsychologues, chercheurs, personnalités publiques). Cependant, peu de psychiatres l'ont rejointe.
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Citation : "J'avais fait un poste qui disait que il y avait peu de psychiatres qui avaient répondu à notre appel à la pétition qui dénonçait les dégâts de la pathologisation du HPI et toi tu as répondu en disant 'Faudrait en faire faudrait faire une vidéo.'"
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Expérience clinique : Le Dr. Sikorav observe fréquemment des patients arrivant avec des bilans neuropsychologiques concluant à un HPI "à toutes les sauces", même en présence de troubles psychiatriques évidents. Il en vient à ne plus lire ces bilans.
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Citation : "Moi en moyenne il y en a qui arrivent quand ils ont pas trop de fric mais dans ceux qu'ont vu un psychologue il y a du HPI mais à toutes les sauces mais à toutes les sauces C'est-à-dire que je ne lis même plus les bilans neuropsychos parce que à la fin du bilan neuropsycho il y a marqué HPI une fois sur deux Oh mais c'est dingue."
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Hétérogénéité des profils et biais des bilans : Souvent, les patients présentant des troubles psychiatriques ont des profils hétérogènes aux tests de QI (faiblesse en vitesse de traitement ou concentration due aux troubles), mais les bilans tendent à conclure au HPI sans nuance.
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Citation : "c'est souvent souvent ils sont hétérogènes quand ils arrivent en psychiatrie ils ont des problématiques Tous les trous psychiatriques entraînent des problèmes de concentration Donc souvent sur la partie vitesse de traitement et les tests qui évaluent la concentration les gens ils sont effondrés Donc tu as un profil hétérogène et du coup là moi j'ai très peu de gens qui disent c'est hétérogène on ne peut pas dire j'ai euh cet htérogène on peut penser à un diagnostic de HPI ou un diagnostic de HPE ou euh enfin moi j'ai la j'ai la complète ah si j'ai la complète je suis désolé j'ai j'ai tout et n'importe quoi moi C'est ça me fait de la peine pour les patients parce que des fois ça se retourne contre les patients tu vois nous on est là ils sont malins et tout mais non c'est qu'en plus on leur on leur souffle dans l'oreille quoi Donc on perd du temps on fait pas un test de cuit quand les gens sont au milieu d'une problématique psychiatrique Ça n'a pas de sens."
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Conséquences négatives : Attribuer la souffrance au HPI peut masquer de réels troubles psychiatriques, entraînant des errances diagnostiques, des dépressions et des idées suicidaires.
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Citation (introduction de Raf) : "c'est-à-dire je le rappelle le fait que depuis 25 ans de nombreuses personnes se voient attribuer leur souffrance au simple fait d'avoir un HPI alors qu'en réalité il souffre de véritables troubles ou pathologies psychologique ou psychiatrique et que un HPI n'est ni un trouble ni une maladie Et cette situation vous le savez entraîne de très nombreux et de graves drames errances psychologiques erreur diagnostique dépression envie suicidaire et cetera."
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Intérêt commercial et biais des explications : Il serait plus "vendeur" pour certains professionnels de présenter un "fonctionnement extraordinaire" (HPI/HPE) plutôt qu'un trouble psychiatrique sévère.
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Citation : "Et en plus si moi je dois vendre un bilan neuropsycho et après vendre des solutions j'ai beaucoup plus intérêt à dire 'Bon ben écoutez là vous avez un fonctionnement un petit peu extraordinaire Il y a des compétences particulières qu'on va développer' que dire 'écoutez vous avez un trouble psychiatrique sévère Je comprends rien là ce qui se passe et il va falloir castetonner votre enfant' Et c'est pas forcément de la malpractice tu vois C'est pas forcément qu'ils sont mauvaises c'est juste naturellement c'est des explications qui sont beaucoup plus acceptables que il y a peut-être un problème psychiatrique ça va ça risque de mal se passer si on fait on fait rien Enfin tu vois les gens quand ils viennent chez moi ils aiment pas venir chez moi Bah c'est comme si tu vo chez le cancérologue tu aimes pas aller chez le cancérologue c'est pas agréable du tout."
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Critique de la psychothérapie : Le Dr. Sikorav exprime un avis très critique sur le niveau général de la psychothérapie et le manque de mise à jour des connaissances de certains psychologues, illustré par une anecdote extrême.
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Citation : "Non mais les soins psychiatriques sont catastrophiques et les soins de psychologue de psychologue sont à mon avis catastrophiques Le niveau extrêmement faible il y a absolument aucun doute Donc quand on est sur LinkedIn et cetera on voit les gens les plus impliqués ou une partie des gens les plus impliqués Donc il y a un biais et cetera mais tu as des psychologues qui sont pas sauvables Je suis désolé Il y en a qui sont pas sauvables."
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Scepticisme face au HPE : Le concept de HPE est jugé particulièrement "fumeux" et non spécifique, pouvant se manifester dans de nombreux troubles psychiatriques ou simplement être une forme d'hypersensibilité émotionnelle non pathologique.
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Citation : "Et du coup HPE sachant que c'est pas déconnant HPE tu vois moi typiquement tu peux me mettre HPE Si tu mets une musique un peu triste je chiale Tu mets un film un peu trich ou voilà c'est ce que j'allais te dire Ça dépend ce que tu mets c'est pas déconnant c'est pas dépend que tu définis comme concept de HPE
C'est ça le gros problème du concept de HPE c'est que soit effectivement ça se voit comme ce que tu viens de dire c'est-à-dire l'équivalent entre guillemets de l'autre concept de l'hypersensibilité on va dire
Soit tu as d'autres personnes qui voient le HPE comme étant une des compétences émotionnelles Ça c'est autre chose
Et du coup ça ça tu vois le le problème se rapproche de celui du TDH à savoir que c'est HPE si ça devait être un syndrome allez on dit que c'est dans le DSM6
Hop Ben c'est pas c'est pas c'est pas spécifique à quoi que ce soit Tu peux avoir ses présentations quand tu es bipolaire quand tu es machin quand tu es B Et c'est gênant je te jure."
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Gestion des patients arrivant avec des idées de HPI/HPE : Le Dr. Sikorav adopte une approche pragmatique et humble, ne niant pas catégoriquement ces notions mais recentrant la discussion sur les problèmes concrets et la nécessité d'une prise en charge adaptée. Il renvoie parfois les patients vers les professionnels qui ont posé ces diagnostics s'ils y trouvent une aide.
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Citation : "maintenant moi je moi moi je dis je sais pas si vous êtes HPI ou HPE c'est pas forcément mon vocabulaire à moi
Ce qui est sûr c'est que là votre femme va vous quitter vous dormez plus vous arrêtez pas de faire des trucs vous avez dépensé 500000 balles de jeux vidéo on a un problème qui doit être réglé et sauf si le HPI ou le HPE peut se solutionner moi je pense qu'il faut qu'on s'attaque à ma lecture du truc
C'est juste ça c'est vraiment vous êtes ce que vous voulez S'il y a une solution vous faites la solution Ou alors des fois il y a des gens il disent 'Ouais mais vous dites des conneries j'ai vu mon psychologue qui dit que je suis HPE ben vous allez chez le psychologue et si ça va mieux vous revenez pas et c'est parfait.'
Moi moi j'ai de patient me fait si ça marche pas vous revenez et HP ou pas on essaie de régler le problème de cette façon C'est juste ça."
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Rôle des "coachs" et dérives commerciales : Le Dr. Sikorav pointe du doigt les dérives de certains "coachs" qui exploitent le concept de HPE à des fins commerciales.
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Citation : "Mais les coachs machins qui te vendent du spécialiste HPE abonne-toi à ma newsletter là ils sont un peu crad C'est un peu cradeau quand même."
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Complexité et nécessité de nuance : Malgré son scepticisme, le Dr. Sikorav reconnaît la complexité des situations et le fait que les patients qui se pensent HPI/HPE sont souvent sincères dans leur démarche et leur souffrance.
Il appelle à une approche plus nuancée et moins dogmatique.
- Citation (conclusion de Raf) : "Et je te remercie en tout cas toi de de rajouter de la complexité Et ben je t'en prie tu es mon métier C'est très bien Et voilà."
Conclusion :
- Cet échange met en lumière une tension palpable au sein du champ de la santé mentale concernant la place et l'interprétation des concepts de HPI et HPE.
Si ces notions peuvent apporter une compréhension à certaines personnes, leur surutilisation et leur attribution systématique comme cause unique de souffrance sont vivement critiquées par certains psychiatres, qui y voient un risque de masquer des troubles psychiatriques réels et de retarder une prise en charge adéquate.
Le Dr. Sikorav, avec sa franchise habituelle, exprime une saturation face à cette "épidémie" de diagnostics de HPI/HPE et insiste sur la nécessité de revenir à une approche clinique rigoureuse et centrée sur la psychopathologie avérée.
La discussion souligne également les enjeux de la formation des professionnels, les pressions socio-économiques et la complexité de distinguer un fonctionnement atypique d'une véritable pathologie mentale.