Voici un compte-rendu détaillé des principaux thèmes et idées importants des sources fournies, incluant des citations pertinentes :
Synthèse du Rapport de la Commission d’Experts sur l’Impact de l’Exposition des Jeunes aux Écrans
Ce document de briefing synthétise les points clés soulevés lors de l'audition de deux experts, * Madame Mouton (neurologue) et * Monsieur Benjamina (neurophysiologiste), co-présidents d'une commission antérieure sur l'impact des écrans.
L'audition se concentre sur l'impact des réseaux sociaux, en particulier TikTok, sur la santé mentale et physique des jeunes.
1. La Détérioration de la Santé Mentale des Jeunes et le Rôle des Réseaux Sociaux
Les experts soulignent une chute de la santé mentale des moins de 25 ans depuis les années 2010, antérieure à la pandémie de COVID-19, qui a cependant accentué cette tendance.
Parallèlement, l'usage des réseaux sociaux s'est massivement répandu, soulevant des questions sur leur implication dans cette détérioration.
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Problème global des réseaux sociaux : Bien que la commission se concentre sur TikTok, les experts insistent sur le fait que "les réseaux sociaux posent globalement aujourd'hui tous les mêmes problèmes de design non éthique". TikTok est "peut-être particulièrement efficace pour capter et retenir l'attention des usagers", mais d'autres réseaux ne sont pas exempts de ces problèmes.
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Modèle économique et captation de l'attention : Le problème fondamental réside dans le "design de TikTok et des réseaux sociaux qui étant basé sur l'économie de l'attention, la captation des données qui vont ensuite être monnayées à des fins de publicité ciblées". L'objectif est de "maintenir les usagers en ligne le plus longtemps possible de les faire venir en ligne le plus souvent possible et également de leur faire des achats en ligne".
2. Conséquences Négatives sur la Santé Physique et Mentale
L'usage excessif des écrans et des réseaux sociaux entraîne de multiples effets délétères, même indépendamment des contenus.
- Santé physique :Sédentarité : Les activités sur écran sont sources d'inactivité sédentaire, un facteur de risque cardiovasculaire (infarctus, AVC, maladies artérielles, surpoids, obésité, diabète de type 2).
- Sommeil : L'empiètement sur les heures de sommeil ou l'interruption de celui-ci (réveils pour des défis en ligne) compromet la qualité et la quantité du sommeil, favorisant les maladies cardiovasculaires, le surpoids, l'obésité et les infections. "La dette chronique de sommeil pouvant favoriser à nouveau les maladies cardiovasculaire mais aussi le surpoids l'obésité les infections".
- Vision : L'activité en intérieur, le manque d'exposition à la lumière naturelle, la surexposition à la lumière bleue et la sursollicitation de la vision de près favorisent la myopie.
- Santé mentale (par l'intermédiaire du sommeil) : La dette chronique de sommeil favorise également "l'anxiété et la dépression".
3. La Question de l'Addiction aux Écrans et Réseaux Sociaux
La discussion autour de l'addiction est nuancée, soulignant une réalité clinique distincte des classifications académiques.
- Réalité clinique : Le Professeur Benjamina affirme traiter de nombreux jeunes "qui consomment et qui sont dépendants aux réseaux sociaux et TikTok en particulier".
Ces problématiques sont prises en charge "à l'instar des produits comme le cannabis la cocaïne les extasiies ou l'alcool".
Les dommages incluent des "effets métaboliques ou bien somatiques", ainsi que des "problématiques associées de type psychiatrique ou psychologique anxiété insomnie dépression difficulté l'adaptation relationnelle environnementale".
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Classification académique : Sur le plan académique, l'addiction aux écrans ou aux réseaux sociaux n'est pas encore classée comme telle dans les classifications internationales (OMS, Association Américaine de Psychiatrie), à l'exception du jeu pathologique. Cependant, il est probable que cela évoluera à l'avenir.
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TikTok, un produit "dépendogène" : TikTok est considéré comme "extrêmement accrocheur addictogène" en raison de son algorithme "extrêmement développé" et de la "fugacité du contenu" (vidéos courtes et répétitives), qui stimulent de manière intense le système de récompense. "Ces deux éléments ne sont pas là par le fait du hasard".
4. Responsabilité des Plateformes et Nécessité de Régulation
Les experts estiment que la responsabilité première du "mésusage" ou "surutilisation" des plateformes incombe aux industriels.
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Design non éthique : Le modèle économique de TikTok et autres réseaux sociaux est délibérément conçu pour maximiser le temps passé en ligne, sans considération éthique pour la santé des utilisateurs. "Aucune éthique évidemment n'est convoquée puisque on a des contenus absolument scandaleux".
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Manque de bonne foi des plateformes : Les plateformes sont réticentes à mettre en place des contraintes sans obligation légale. Elles mettent en avant "responsabilité liberté" et renvoient la "minorité" vers la "responsabilité de ses parents".
Le Professeur Benjamina déclare : "Il faut pas s'attendre que les plateformes s'exécutent s'il n'y a pas de contrainte parce qu'elles ont les capacités à évidemment mettre en place des choses éthiques".
5. Prise de Conscience Sociétale et Mesures Recommandées
Il y a une prise de conscience sociétale croissante, mais des efforts significatifs sont encore nécessaires.
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Écart de connaissance : Il existe un "gouffre entre peut-être des parents ou des professionnels de santé qui sont sensibles au sujet et qui sont bien informés et qui peuvent déjà avoir cette connaissance de l'impact des réseaux sociaux sur la santé des jeunes mais qu'il y a aussi toute une frange de la population aujourd'hui qui ignore totalement ses effets".
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Communication massive et ciblée : Une "communication qui soit extrêmement massive sur ce sujet" est nécessaire, ainsi qu'une "communication plus ciblée aussi sur les professionnels de santé" qui n'ont pas toujours le réflexe d'interroger les jeunes sur leur usage des réseaux sociaux.
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Formation des soignants : La formation des soignants sur l'usage des écrans est "très hétérogène aujourd'hui" et nécessite une formation "massive" des professions en lien avec la petite enfance et les adolescents.
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Alternatives et réinvestissement des espaces physiques : La question "si on nous retire les réseaux sociaux qu'est-ce que vous nous mettez à la place" est comprise.
Les jeunes trouvent dans ces plateformes un "refuge de divertissement". Il est essentiel de "proposer des alternatives aujourd'hui suffisamment puissantes pour les extraire de cette attraction très très forte de l'univers numérique".
L'exemple des terrains vagues aménagés en espaces d'activités physiques montre l'efficacité de "choses qui n'ont pas demandé beaucoup de ni de temps ni d'énergie ni surtout d'argent et qui les ont finalement motivés à faire autre chose".
- Réseaux sociaux "éthiques" et progressivité : La recommandation de limiter l'accès aux réseaux sociaux à 15 ans pour les plateformes dont la "conception serait éthique" est évoquée.
Le concept de "réseau social éthique" implique un design qui ne vise pas la captation à tout prix, mais le bien-être de l'utilisateur. Cependant, la définition et l'application d'un tel âge limite se heurtent à la complexité de la vérification de l'âge et à la mauvaise foi des plateformes.
L'idée de 15 ans se cale sur la "majorité numérique" et la "majorité sexuelle". La question est posée si cet âge ne devrait pas être plus élevé (18 ans), étant donné la vulnérabilité des adolescents et le fait que le cerveau continue de mûrir jusqu'à 25 ans.
6. La Résistance des Jeunes et le Conflit de Génération
Les jeunes rejettent souvent l'idée de la dangerosité des plateformes, considérant les adultes comme des "boomers" qui "n'ont rien compris".
- Discours immobilisant : Le discours selon lequel "on peut pas revenir en arrière c'est le progrès et puis on peut pas faire autrement ils sont partout" est critiqué car il "désarme toute volonté de changer".
Les experts insistent sur le fait que "oui on a le choix" de développer des modèles différents et de réguler.
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Information insuffisante : "L'information qu'un produit est néfaste pour la santé suffisait à changer les comportements depuis le temps qu'on fait la prévention en santé publique on le saurait". L'information seule ne suffit pas ; une "régulation extrêmement" forte est nécessaire pour les produits addictifs ou "addictif-like".
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Temps de la science vs. Évolution technologique : La reconnaissance scientifique des addictions prend du temps (90-100 ans pour le tabac), mais la technologie évolue "toutes les semaines" avec de nouveaux produits, plaçant la science "des années de retard".
7. Approche Clinique et Traitement des Addictions aux Écrans
La prise en charge clinique ne dépend pas d'une classification officielle mais des dommages constatés.
- Prise en charge globale : Le traitement est "biopsychosocial", incluant "des mesures évidemment sociales", des "thérapies systémiques parents enfants", et la limitation de la consommation pour "éviter les le clash".
- Bilan psychiatrique : Un bilan est crucial car de "grandes maladies psychiatriques commencent à l'adolescence" (schizophrénie, troubles bipolaires, anxiétés).
- Thérapies : Des thérapies cognitivocomportementales, la psychanalyse ou psychodynamie de groupe sont utilisées. La recréation d'une "communauté" de jeunes en milieu de soin est efficace.
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Transfert de dépendance : Le fait d'arrêter une consommation d'écrans n'est pas "à l'origine d'un transfert" vers d'autres substances. La réalité est plutôt celle de "polyconsommateur" et "polyxpérimentateur" où l'offre de drogues est variée.
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En conclusion, l'audition met en lumière l'urgence d'une prise de conscience collective et d'une action politique ferme face à l'impact délétère des réseaux sociaux, dont le modèle économique est intrinsèquement problématique pour la santé des jeunes.
La régulation des plateformes, la formation des professionnels de santé et le développement d'alternatives concrètes sont des pistes essentielles pour inverser la tendance.