Analyse du "Bon Pays" : Mondialisation, Coopération et Intérêt National
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Résumé
Ce document de synthèse analyse les thèses centrales présentées par Simon Anholt concernant les défis de la mondialisation et la nécessité d'une nouvelle approche de la gouvernance mondiale.
Le problème fondamental identifié est un décalage critique : alors que les problèmes les plus urgents de l'humanité (changement climatique, pandémies, crises économiques) sont mondialisés, les systèmes de gouvernance restent ancrés dans des cadres nationaux égoïstes.
Trois obstacles majeurs à la coopération internationale sont identifiés : la demande des électeurs pour des politiques nationalistes, une forme de "psychopathie culturelle" qui limite l'empathie envers les étrangers, et la fausse croyance des dirigeants que les agendas nationaux et internationaux sont incompatibles.
La solution proposée repose sur une découverte issue d'une analyse de données à grande échelle sur la perception des pays (l'Indice des Marques Nationales). Cette recherche révèle que les pays les plus admirés ne sont pas les plus riches ou les plus puissants, mais ceux perçus comme "bons" – c'est-à-dire ceux qui contribuent de manière significative au bien commun de l'humanité.
Cette découverte lie directement la "bonté" d'un pays à son "intérêt personnel", car une réputation positive attire investissements, tourisme et talents, rendant la collaboration internationale un levier de compétitivité nationale.
Pour matérialiser ce concept, Anholt a créé "l'Indice des Bons Pays", qui mesure la contribution de chaque nation à l'humanité.
L'Irlande se classe au premier rang, démontrant qu'un pays peut honorer ses devoirs internationaux tout en gérant ses propres défis économiques.
L'appel à l'action final est d'intégrer le terme "bon" (défini comme le contraire d'égoïste) dans le discours public et politique, afin de créer une pression citoyenne pour que les gouvernements adoptent des politiques plus collaboratives et tournées vers l'extérieur.
1. Le Paradoxe de la Mondialisation : Problèmes Mondiaux, Solutions Nationales
La mondialisation a profondément interconnecté le monde, créant un système où des événements locaux peuvent avoir des répercussions mondiales quasi instantanées. Des exemples frappants illustrent cette réalité :
• Sanitaire : "Il y a 20 ou 30 ans, si un poulet attrapait froid, éternuait et mourait dans un petit village d'Extrême-Orient, c'était tragique pour le poulet [...] mais c'était peu probable qu'on ait peur d'une pandémie mondiale".
• Économique : "si une banque américaine prêtait trop d'argent à des clients non solvables et que la banque faisait faillite, c'était néfaste [...] mais nous ne pensions pas que ça amènerait un effondrement du système économique pendant presque dix ans."
Cette interconnexion a apporté des bénéfices, comme le succès des Objectifs du Millénaire, prouvant que "l'espèce humaine peut arriver à d'extraordinaires progrès en se montrant unie et persévérante".
Cependant, la mondialisation a également amplifié les problèmes : réchauffement climatique, terrorisme, épidémies, trafic de drogue, et bien d'autres.
Le problème central est que l'humanité n'a pas adapté ses structures de gouvernance à cette nouvelle réalité.
L'organisation mondiale est toujours fragmentée en environ 200 États-nations dont les gouvernements sont programmés pour se concentrer quasi exclusivement sur leurs intérêts nationaux.
Citation clé : "Il faut que nous arrivions à nous reprendre et trouver comment améliorer la mondialisation des solutions pour éviter de devenir une espèce victime de la mondialisation des problèmes."
2. Les Obstacles à la Coopération Internationale
Simon Anholt identifie trois raisons principales qui expliquent la lenteur des progrès sur les enjeux mondiaux et la persistance de l'approche nationaliste.
2.1 La Demande des Électeurs
La première raison est que les citoyens eux-mêmes exigent de leurs gouvernements une focalisation interne.
En élisant ou en tolérant des gouvernements, le message envoyé est clair : la priorité est la prospérité, la croissance, la compétitivité et la justice à l'intérieur des frontières nationales.
Les politiciens, en regardant "dans un microscope" plutôt que "dans un télescope", ne font que répondre à cette demande.
2.2 La "Psychopathie Culturelle"
Le deuxième obstacle est un biais psychologique collectif qu'Anholt nomme la "psychopathie culturelle".
Il s'agit d'un manque de capacité à ressentir une véritable empathie pour les personnes qui sont culturellement différentes.
• L'empathie fonctionne bien avec ceux qui "nous ressemblent, marchent, parlent, mangent, prient et s'habillent comme nous".
• En revanche, les autres, ceux qui sont différents, sont souvent perçus comme des "personnages en carton", des figures bidimensionnelles plutôt que des êtres humains complexes.
Ce manque d'empathie à grande échelle empêche une véritable solidarité mondiale.
2.3 La Fausse Dichotomie des Agendas
Le troisième obstacle est la croyance, particulièrement ancrée chez les dirigeants, que les agendas nationaux et internationaux sont mutuellement exclusifs. Anholt qualifie cette idée de "grand n'importe quoi".
Fort de son expérience de conseiller politique auprès de nombreux gouvernements, il affirme n'avoir jamais vu "un seul problème national qui ne pouvait être résolu de façon plus inventive, plus efficace et plus rapide qu'en le traitant comme un problème international".
3. L'Intérêt Personnel comme Levier du Changement
Pour surmonter ces obstacles et la résistance naturelle de l'être humain au changement, il est nécessaire de démontrer qu'un comportement plus collaboratif sert l'intérêt personnel des nations. C'est le cœur de la découverte d'Anholt.
3.1 La Recherche sur la Réputation des Nations
En 2005, Anholt a lancé l'Indice des Marques Nationales, une étude à très grande échelle recueillant les perceptions du public mondial sur les différents pays.
Cette base de données de 200 milliards de points de données a révélé un fait économique crucial :
• Les pays dépendent "énormément de leurs réputations afin de survivre et de prospérer dans le monde".
• Une bonne image (ex : Allemagne, Suède, Suisse) facilite tout : tourisme, investissements, exportation.
• Une mauvaise image rend tout "difficile et [...] cher".
3.2 La Découverte Clé : Admiration et "Bonté"
En interrogeant cette base de données pour comprendre pourquoi certains pays sont plus admirés que d'autres, la réponse fut surprenante.
Ce n'est ni la richesse, ni la puissance, ni la modernité qui est le facteur principal.
Citation clé : "les pays que nous préférons sont les bons pays. [...] nous admirons surtout un pays parce qu'il est bon."
Un "bon pays" est défini comme un pays qui "contribue au monde dans lequel nous vivons", le rendant "plus sûr, meilleur, plus riche ou plus juste".
Cette découverte crée un lien direct et puissant entre l'altruisme et l'égoïsme : pour réussir économiquement (servir son intérêt national), un pays doit "faire le bien" et contribuer à l'humanité.
"Plus vous collaborez, plus vous devenez compétitif."
4. L'Indice des Bons Pays : Une Nouvelle Mesure du Succès
Pour concrétiser cette idée, Anholt et son équipe ont développé l'Indice des Bons Pays ("The Good Country Index").
• Objectif : Mesurer la contribution exacte de chaque pays, non pas à ses propres habitants, mais au reste de l'humanité.
• Définition de "Bon" : Le terme n'a pas une connotation morale ("bon" vs "mauvais"), mais est utilisé comme le contraire de "égoïste".
Un "bon" pays est un pays qui se préoccupe des intérêts de tous.
4.1 Classement et Enseignements
Les résultats de l'indice offrent des perspectives importantes :
Rang
Pays
Observations Clés
1
Irlande
Le pays qui, par habitant ou par dollar de PIB, contribue le plus au monde. Salué pour sa capacité à maintenir ses devoirs internationaux tout en se relevant d'une grave récession.
2
Finlande
Très proche de l'Irlande, avec des scores globalement élevés.
13
Allemagne
21
États-Unis
66
Mexique
95
Russie
Pays en développement focalisé sur sa construction interne.
107
Chine
Pays en développement focalisé sur sa construction interne.
• Domination Européenne : Le top 10 est majoritairement composé de pays riches d'Europe occidentale (à l'exception de la Nouvelle-Zélande).
• L'Importance de l'Attitude : La présence du Kenya dans le top 30 est cruciale.
Elle prouve que la contribution au monde n'est pas qu'une question d'argent, mais "d'attitude", de "culture" et de volonté politique de se tourner vers l'extérieur.
Les données complètes de l'indice sont accessibles sur le site goodcountry.org
.
5. Appel à l'Action : Redéfinir le Discours Politique
La finalité de ce projet n'est pas seulement de classer les pays, mais de changer radicalement le dialogue public et politique.
5.1 Changer le Vocabulaire du Succès
Anholt exprime sa lassitude face à un vocabulaire centré sur l'égoïsme national : "J'en ai assez d'entendre parler de compétitivité.
J'en ai assez d'entendre parler de prospérité, de richesse, de croissance rapide. J'en ai assez d'entendre parler de pays heureux parce que ça reste quand même égoïste."
Il propose de réinjecter le mot "bon" (au sens de "non-égoïste") dans la conversation.
5.2 Un Outil pour les Citoyens
Ce mot doit devenir un "bâton qui s'abattrait sur nos politiciens".
Les citoyens sont invités à utiliser ce critère pour juger les politiques et les dirigeants en se posant la question :
Question clé : "Est-ce qu'un bon pays ferait ça ?"
L'objectif ultime est de faire évoluer les mentalités, pour que le désir principal des citoyens ne soit plus de vivre dans un pays riche ou compétitif, mais dans un "bon pays".
Un pays dont on peut être fier à l'international, car il est reconnu pour sa contribution positive au monde entier.