Note de synthèse détaillée : L'Enseignement Explicite pour la Réussite Scolaire et la Gestion de Classe
Cette note de synthèse s'appuie sur la conférence "Enseignement explicite : des pistes pour gérer les apprentissages et les comportements des élèves" pour présenter les thèmes principaux, les idées clés et les faits importants concernant l'enseignement explicite, en incluant des citations pertinentes.
1. Introduction : Une double problématique et un enjeu sociétal
La conférence aborde une double problématique touchant les élèves et les enseignants :
Pour les élèves : Les difficultés scolaires et comportementales peuvent entraîner des problèmes d'apprentissage et un risque d'abandon scolaire sans qualification.
Pour les enseignants : La gestion des apprentissages et la gestion de classe sont des défis majeurs, même pour les expérimentés, contribuant à la pénurie d'enseignants.
Dans ce contexte, "la mise en œuvre de pratiques efficaces ça représente finalement un enjeu sociétal majeur pour favoriser la réussite du plus grand nombre d'élèves mais aussi la rétention des enseignants".
L'enseignement explicite est présenté comme un cadre pertinent pour adresser ces deux facettes inséparables : la gestion des apprentissages et la gestion des comportements.
"La gestion des apprentissages et la gestion des comportements représentent les deux phases d'une même pièce".
2. Qu'est-ce que l'efficacité en éducation ?
L'efficacité en éducation est définie non pas comme un gros mot, mais comme la capacité à atteindre un objectif. Se basant sur la définition de Bloom, l'efficacité de l'enseignement va au-delà de la simple sélection des talents.
Pour Bloom, "les sociétés modernes optent pour le développement éducatif d'un plus grand nombre de personnes et toute société qui accorde une telle valeur à l'éducation ou à la scolarité jusqu'à obliger tout individu à consacrer à l'école une partie importante de sa vie elle ne peut se contenter de sélectionner des talents elle doit les développer".
Un enseignement efficace, selon Bloom, doit :
- Augmenter la moyenne des élèves de la classe.
- Réduire la variance (différences de résultats) entre les élèves.
- Diminuer la corrélation entre les résultats et les caractéristiques initiales (ex: origine sociale), rendant ainsi l'enseignement équitable.
Pour la gestion de classe, l'efficacité est mesurée différemment : elle vise "à instaurer les conditions propices pour que les apprentissages puissent se réaliser", en augmentant l'attention des élèves et en diminuant les écarts de conduite.
C'est la conjonction des stratégies d'apprentissage et de gestion de classe qui permet d'améliorer les apprentissages et le cadre d'apprentissage.
3. Les fondements de l'enseignement explicite : Une approche basée sur la recherche
L'enseignement explicite n'est pas une théorie isolée, mais le fruit de décennies de recherches :
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Recherches corrélationnelles : Observation des comportements des enseignants et des résultats des élèves, identifiant des pratiques liées à une meilleure réussite (ex: révisions, démonstration, pratique guidée).
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Recherches expérimentales : Formation d'un groupe d'enseignants à ces pratiques prometteuses et comparaison avec un groupe contrôle, démontrant un lien de cause à effet.
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Méta et méga-analyses : Synthèse de nombreuses recherches expérimentales, confirmant "l'efficacité d'un enseignement explicite pour aider les élèves et en particulier ce en difficulté", mais aussi pour les élèves ayant plus de facilité, et ce, à tous les âges.
L'enseignement explicite est une "importante base de connaissance qui a été minutieusement conçue", s'étendant des années 70-80 jusqu'à nos jours, et aucune recherche n'a fondamentalement remis en cause son efficacité.
Il repose sur une triple concordance :
- Efficacité démontrée par les recherches pédagogiques.
Recherches en psychologie cognitive :
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Distinction apprentissages naturels/secondaires : Certains apprentissages (lire, calculer, écrire) sont "secondaires" et nécessitent un enseignement formel et explicite, contrairement aux apprentissages naturels (marcher, reconnaître des visages).
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Charge cognitive : L'enseignement explicite tient compte de la charge cognitive.
L'effet du problème résolu (Cooper et Swiller, 1987) montre que les élèves étudiant un problème résolu performant mieux et peuvent expliquer leur démarche, contrairement à ceux en résolution de problèmes classique qui peuvent réussir sans comprendre le cheminement.
- Définition conceptuelle robuste : Les concepts et stratégies sont concrets, opérationnels et réplicables.
4. Clarifications et définitions de l'enseignement explicite
Le terme "explicite" signifie "ouvert à la compréhension, pas obscur ni ambigu".
John Hattie utilise les termes "visible teaching" et "visible learning", soulignant que l'enseignement doit être visible pour les élèves et que leur apprentissage doit être rendu visible pour l'enseignant.
L'enseignement explicite est "une combinaison de comportements conçus pour promouvoir l'apprentissage des élèves".
Il est important de ne pas le confondre avec d'autres terminologies :
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"Instruction directe" (minuscules) : Peut désigner l'enseignement explicite ou d'autres approches, voire tout enseignement mené par le maître.
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"Direct Instruction" (majuscules ou DI) : Approche très formalisée créée par Engelmann où les enseignants suivent un script, différente de l'enseignement explicite où les enseignants conçoivent leurs leçons.
Le terme "enseignement explicite" est utilisé depuis 1986 par Rosensteine, formalisant l'approche à partir des recherches.
Un synonyme apprécié est "Active Teaching", soulignant une approche très active pour l'enseignant et les élèves.
5. Stratégies de gestion des apprentissages : Les cinq étapes de la leçon explicite
L'enseignement explicite s'inscrit dans le modèle de réponse à l'intervention (RTI), qui propose des stratégies universelles (palier 1) bénéficiant à 80% des élèves.
Il met l'accent sur la phase d'interaction et la planification, ainsi que la consolidation (pour contrer la courbe de l'oubli).
Les cinq étapes fondamentales d'une leçon d'enseignement explicite sont :
Ouverture de la leçon :
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But : Capter l'attention, présenter les objectifs et leur utilité, rappeler les connaissances préalables.
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Stratégies : Signal non verbal, énoncé clair de l'objectif, explication de l'utilité dans la vie quotidienne et future scolarité (ex: inférences en lecture). Vérification fine de la compréhension et rétroactions de qualité. Réenseignement des prérequis si nécessaire.
Modelage (Je te montre) :
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But : Montrer et expliquer comment réaliser la tâche, en "mettant un haut-parleur sur sa pensée".
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Stratégies : Verbaliser le raisonnement (étapes, questions, pièges à éviter). Montrer des exemples et contre-exemples. C'est une étape riche qui développe la métacognition. "Elle est parfois mal comprise et assimilée à tort à une sorte uniquement d'exposé". C'est une étape brève (quelques minutes).
Pratique guidée (On le fait ensemble) :
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But : Les élèves réalisent des tâches similaires sous la supervision active de l'enseignant, dialoguent et explicitent leur cheminement.
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Modalités :Collective : Choisir des élèves au hasard pour refaire la tâche en explicitant.
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En binômes (enseignement réciproque) : Les élèves s'expliquent mutuellement comment ils ont fait.
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Stratégies clés :Consignes claires.
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Vérification de la compréhension (plus pertinente que "avez-vous compris ?" : "si je prenais le temps maintenant de m'arrêter de choisir quelqu'un et lui demander de me reformuler ce qui est une métaanalyse ben là j'aurai beaucoup plus d'informations sur sa compréhension").
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Désignation aléatoire des élèves : Pour augmenter l'attention et répartir équitablement la parole.
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Rétroactions de qualité : Fournir des informations sur la production et comment l'améliorer, et former les élèves à l'auto-feedback et au feedback mutuel (métacognition).
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Aide si besoin : Rappels, listes d'étapes.
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Test formatif : Avant de passer à la pratique autonome, s'assurer que les élèves ont atteint un seuil de réussite (80%). Les autres restent en pratique guidée ou reçoivent un réenseignement.
Pratique autonome (Tu le fais seul) :
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But : Consolider les nouvelles connaissances en mémoire. L'aide de l'enseignant est réduite mais il continue de vérifier la compréhension et de fournir de l'aide.
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Stratégies : Suffisamment d'exercices variés, incluant des exercices de transfert. Le seuil de réussite visé est de 90 à 95% de réponses correctes.
Clôture :
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But : Synthétiser les apprentissages, prendre du recul, poursuivre la pratique et introduire la prochaine leçon en explicitant les liens.
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Stratégies : Questions métacognitives ("Qu'a-t-on appris aujourd'hui ?", "À quoi ça sert ?"), rétroactions riches, introduction de l'objectif de la prochaine leçon.
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Différenciation : Ces étapes ne sont pas linéaires mais itératives. L'enseignant peut revenir à une étape précédente si nécessaire (ex: refaire un modelage ou une pratique guidée pour des élèves en difficulté).
Cela permet une différenciation basée sur l'observation objective des besoins des élèves, rendant l'approche "beaucoup plus réaliste que l'idée de se dire qu'on va différencier de manière un peu finalement même à l'aveugle".
6. Stratégies de gestion des comportements : Mieux vaut prévenir que guérir
Le principe fondamental est que "mieux vaut prévenir que guérir".
Les enseignants efficaces mettent en œuvre environ 80% d'interventions préventives et seulement 20% d'interventions réactives.
La punition n'est pas la seule option corrective, et d'autres stratégies sont à privilégier.
Les gestes professionnels fondamentaux incluent :
Relations positives :
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Stratégies concrètes : S'intéresser aux élèves, discuter avec eux, les accueillir. "Le positif finalement attire le positif".
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Attentes élevées : Croire au potentiel de tous les élèves, sans se fier aux préjugés.
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Outil "Efforts et stratégies" : La réussite dépend des efforts des élèves et des stratégies fournies par l'enseignant. "Je bannis de mon vocabulaire les mots faciles et difficiles".
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Environnement sécurisant et enseignement explicite des comportements :
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Justification : L'éducation aux comportements est aussi le rôle de l'école, car tous les élèves n'ont pas appris ces codes à la maison.
Cela fait gagner du temps à long terme en réduisant les problèmes. "Si un élève ne sait pas lire, on va lui apprendre à lire... mais s'il ne sait pas se comporter, est-ce qu'on va lui apprendre ou est-ce qu'on va le punir ?".
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Matrice comportementale : Choisir 3 valeurs (ex: respect, responsabilité, solidarité) et identifier les comportements positifs attendus dans les différentes activités/lieux (formuler en "je" et de manière positive).
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Enseigner les comportements : Appliquer les cinq étapes de l'enseignement explicite pour les comportements, en contexte réel (ex: dans le couloir, dans le bus).
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Ouverture : Présenter la valeur et la règle, son importance.
- Modelage : Montrer le comportement attendu (ex: marcher calmement, donner une rétroaction). Inclure des contre-exemples humoristiques.
- Pratique guidée : Les élèves pratiquent les comportements attendus devant l'enseignant, qui donne des rétroactions sur leur comportement par rapport aux valeurs.
- Pratique autonome : Non explicitée mais implicite dans la consolidation.
- Clôture : Non explicitée.
Encadrement et supervision des élèves :
- Stratégies : Superviser constamment du regard, "marcher la classe de manière imprévisible" pour augmenter la prévention des écarts de conduite.
Renforcement positif :
- Importance : Dire aux élèves que leur comportement est bon est essentiel pour le maintenir. Le renforcement verbal est prioritaire, mais des renforcements tangibles (étiquettes, jetons échangeables contre des privilèges) sont aussi efficaces.
- Principe : "On ne retire jamais de points on s'en sert uniquement pour dire aux élèves ce qui est bien". Les écarts de conduite sont gérés par un autre système.
- Organisation de la classe :
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Stratégies : Disposer le mobilier pour une visibilité et une circulation aisées, préparer le matériel à l'avance. "Au plus ma classe est organisée au moins aussi il va y avoir de de place pour des écarts de conduite".
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Enseignement efficace (en tant que stratégie préventive) :
- Les cinq étapes de l'enseignement explicite, lorsqu'appliquées aux matières académiques, "augmentent l'attention des élèves parce que c'est une approche qui les sollicite constamment".
Cela contribue directement à une meilleure gestion de classe.
7. Gestion des écarts de conduite : Interventions correctives
Les interventions correctives sont hiérarchisées et visent à être les plus discrètes et à moindre coût.
Une distinction est faite entre :
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Écart de conduite mineur : Ne perturbe pas l'enseignement ni l'apprentissage des autres (ex: bavardage léger).
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Écart majeur : Nécessite une intervention plus forte, potentiellement le retrait temporaire de l'élève (ex: bagarre).
Stratégies pour les écarts mineurs (du plus discret au plus direct) :
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Proximité physique.
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Contact physique (ex: main sur le bureau).
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Signal sonore (ex: raclement de gorge).
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Ignorer momentanément et féliciter un autre élève ayant un bon comportement ("quatre interventions positives si possible pour une négative").
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Rediriger : Rappeler brièvement le comportement attendu.
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Réenseigner le comportement (avec les 5 étapes).
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Offrir un choix (ex: écouter ou conséquence).
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Conséquences formatives : Réparer (ex: nettoyer ce qui a été sali, s'excuser).
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Isolement avec activité réflexive : Demander à l'élève d'observer et de décrire les bons comportements de ses pairs.
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Rencontre en face-à-face hors du cours pour comprendre les raisons du comportement.
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La punition (ex: recopier un texte) est une option si aucune stratégie constructive n'est trouvée, mais elle "n'apprend nullement le comportement qui est attendu de lui". L'objectif est d'apprendre à l'élève le comportement attendu.
Gestion des écarts majeurs : Dépend fortement de la politique d'école (plan d'intervention, schéma de procédure) car l'enseignant seul est limité.
Un exemple d'étude récente sur le soutien au comportement positif (PBIS) montre une diminution significative des écarts de conduite majeurs dans les écoles appliquant ce système sur plusieurs années.
8. Conclusion
L'enseignement explicite est une "approche pédagogique concrète qui favorise la réussite des élèves et la mise en place d'un climat propice aux apprentissages".
C'est une série de stratégies concrètes pour la gestion des apprentissages et des comportements, pour lesquelles il est possible de se former.