Compte rendu détaillé : La formation des professionnels de santé et son impact sur l'accès aux soins
Ce document synthétise les points clés soulevés lors de l'audition concernant l'organisation du système de santé et l'accès aux soins, avec un accent particulier sur la formation des professionnels de santé.
Les discussions ont mis en lumière les défis actuels, les réformes en cours et les pistes de réflexion pour l'avenir.
1. Le constat des difficultés d'accès aux soins
- Le rapporteur souligne d'emblée la gravité de la situation : « 6 millions de nos concitoyens n'ont pas de médecin traitant et des territoires entiers peuvent être considérés comme des déserts médicaux ». Ce problème n'est pas propre à la France, mais une difficulté mondiale, particulièrement dans les zones éloignées des grands centres urbains. Au-delà du nombre, la question de la répartition territoriale et de la couverture du spectre des besoins de santé est cruciale.
2. Le rôle central de la formation
La formation des professionnels de santé, relevant en grande partie du ministère de l'enseignement supérieur, est identifiée comme un levier majeur pour améliorer la situation sanitaire. Les enjeux liés à la formation sont de trois ordres :
- Quantitatif : Définir le nombre de professionnels à former. Bien que le ministère de la Santé soit prioritairement en charge de cette définition des besoins, c'est une question fondamentale et complexe. Il est noté que le numerus clausus est passé d'un point bas de 3500 par an dans les années 90 à près de 11000 aujourd'hui, mais un « effet retard » d'environ 10 ans existe entre le début de la formation et l'arrivée effective des médecins sur le terrain.
- Qualitatif : Former des médecins capables de couvrir toutes les disciplines et champs de la santé, assurant une bonne répartition entre les spécialités et l'adéquation des compétences aux missions.
- Territorial : Assurer une répartition équitable des médecins sur le territoire pour répondre aux besoins locaux, ce qui n'est « évidemment criant que ce n'est pas le cas aujourd'hui ».
3. Les leviers d'action et réformes en cours
Plusieurs mesures sont mises en œuvre ou envisagées pour améliorer la situation :
- Diversification du recrutement : L'objectif est de recruter des jeunes issus de territoires d'origine et de milieux sociaux diversifiés. Cela passe par l'extension des « options santé dans les lycées », notamment pour les élèves les plus éloignés des carrières de santé. Ces options sont en phase d'expérimentation et les premiers retours sont très positifs, les lycéens ayant suivi ces options gérant mieux leur première année d'études de santé.
- Décentralisation de la première année d'études de santé (PASS/LASS) : Une proposition phare est la possibilité d'avoir « une première année d'accès aux études de santé par département », y compris via des campus connectés. Cette mesure vise à rapprocher la formation des territoires et à envoyer un signal sur la répartition des professionnels. L'expérimentation débutera dès l'année prochaine.
- Simplification des parcours d'accès : La réforme de la première année d'études, initiée en 2019, vise à rendre les parcours plus lisibles et moins socialement déterminants. Le système de la PACES présentait de nombreux inconvénients, notamment un taux d'échec élevé (2/3 des étudiants) et une mauvaise réponse aux besoins territoriaux. L'objectif est de réduire les redoublements et de diversifier les profils.
- Adaptation aux réalités locales et modes d'exercice : Il est jugé essentiel que les étudiants découvrent les territoires et les différents modes d'exercice, ainsi que les disciplines sous-couvertes (personnes âgées, soins palliatifs, santé mentale, santé scolaire, santé au travail).
- Généralisation des stages hors CHU : Actuellement, moins de 40 % des stages ont lieu en dehors des Centres Hospitaliers Universitaires. L'objectif est de changer cet état de fait pour que les stages se déroulent sur tout le territoire, avec la « généralisation d'un stage en dehors des CHU et en territoire soudance au cours de la formation en 2e ou 3e cycle ». Dès novembre 2026, la 4e année d'internat en médecine générale incitera les docteurs en formation à réaliser des stages en zone fortement sous-dense.
- Développement professionnel continu et passerelles : Pour retenir les professionnels, il est nécessaire d'assurer un développement professionnel continu. Il faut aussi « faciliter les passerelles entre les formations pour permettre des évolutions de carrière ».
4. Débats et pistes de réflexion complémentaires
Plusieurs points ont fait l'objet de discussions approfondies :
- L'alternance : Le concept d'une formation en alternance plus poussée, dès la première année, est évoqué par le rapporteur, citant l'exemple de médecins ruraux souhaitant former des jeunes en vue d'une reprise de patientèle. Le ministre tempère en soulignant les défis logistiques et la nature très théorique de la première année. Cependant, il reconnaît que la formation actuelle est déjà fortement basée sur la pratique en cycles supérieurs (« en 2e cycle aujourd'hui ils passent 50 % de leur temps en stage et en 3e cycle 80 % »). La 4e année d'internat est d'ailleurs une réponse à ce besoin de professionnalisation.
- Les compétences non-médicales : La nécessité d'inclure des cours sur les « relations humaines » (management, communication) et l'« entrepreneuriat » (pour la médecine libérale) dès les premières années est soulignée par le rapporteur. Le ministre indique que ces sujets sont déjà abordés, notamment l'éthique dès le premier cycle et la gestion de cabinet en fin de troisième cycle, mais que les maquettes peuvent être améliorées.
- La durée des études : Le rapporteur s'interroge sur la possibilité de raccourcir les études, citant l'Allemagne et la Suède où les durées sont différentes. Le ministre précise que les diplômes belges et allemands de 6 ans ne confèrent pas un exercice complet de la médecine, et que le premier cycle français est jugé incompressible en raison de disciplines fondamentales. L'allongement d'un an de la formation en médecine générale est justifié par la complexité croissante de l'exercice et la contribution des docteurs juniors à la force de travail dès la 4e année.
- La territorialisation de l'internat : La question du fléchage des internes, majoritairement vers les CHU, est un enjeu majeur pour les hôpitaux de province. L'obligation de stages en zones sous-denses est une première réponse, mais la réflexion se poursuit sur des mécanismes plus justes.
- La suppression du concours de première année : Le rapporteur propose de supprimer le concours de première année, jugé trop sélectif, socialement discriminant (coût des prépas privées) et inadapté pour évaluer une carrière de 10 ans. Le ministre partage cette vision d'une plus grande ouverture et de donner « plusieurs chances à des étudiants », permettant de rebondir après un premier échec en licence non-médicale. Il reconnaît toutefois la difficulté de cette transition en France en raison du « culte dans les dans mais y compris des parents paradoxalement de du concours de la note ».
- L'orientation vers les spécialités : Le système actuel laisse aux étudiants le choix de leur spécialité, ce qui entraîne des déséquilibres (ex: difficulté à attirer les étudiants vers la psychiatrie). Deux approches sont envisagées : réduire les marges de flexibilité ou revaloriser l'attractivité des spécialités moins choisies.
- Le retour des certificats d'études spécialisées (CES) : La possibilité de réintroduire des spécialisations intermédiaires entre la médecine générale et l'hyperspécialisation CHU est évoquée comme une piste pour améliorer la prise en charge des patients et éviter des consultations inutiles chez des hyperspécialistes.
5. Coût de la formation
Le ministre n'est pas en mesure de donner le coût précis de la formation d'un médecin. Le coût moyen d'un étudiant toutes filières confondues est d'environ 12 000 euros par an, mais il précise que les étudiants en santé contribuent aussi directement au système de soins via leurs stages.
En conclusion, la France est engagée dans une série de réformes visant à résoudre la crise de l'accès aux soins par une refonte profonde de la formation des professionnels de santé, axée sur la décentralisation, la diversification des parcours, l'intégration de la pratique et une meilleure anticipation des besoins territoriaux et des compétences futures.