Document de synthèse : Audition de la CIIVISE sur les violences dans les établissements scolaires
Source : Extraits de "🔴 Violences dans des établissements scolaires : audition de la CIIVISE dans le cadre de l’enquête"
Date de l'audition : Non précisée, mais les références au rapport de 2023 et aux annonces ministérielles récentes placent l'audition début 2024.
Participants :
- M. Franck Burbage, Inspecteur Général de l'Éducation Nationale, membre de la CIIVISE
- Mme Alice Casagrande, Secrétaire Générale de la CIIVISE
Objectif de l'audition : Examiner les données et les recommandations de la CIIVISE concernant les violences sexuelles faites aux enfants, en particulier celles commises en milieu scolaire par des adultes et entre mineurs, et évaluer les mesures prises ou envisagées depuis le rapport de 2023.
Thèmes principaux abordés :
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Données et statistiques de la CIIVISE : Répartition des violences, lieux de survenue, profils des agresseurs et des victimes, caractère sériel des violences.
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Approche transversale et culture de vigilance : Nécessité d'une approche globale des droits de l'enfant et d'une acculturation de tous les adultes à la détection et à la protection.
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Violences en milieu scolaire : Focus sur les établissements scolaires comme lieu institutionnel principal de violences sexuelles.
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Systèmes de signalement et de contrôle : Évaluation des dispositifs existants (119, Fait Établissement, Phar) et propositions d'amélioration.
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Différences entre établissements publics et privés : Analyse des spécificités liées au statut des établissements (public, privé sous contrat, privé hors contrat) et aux situations d'exposition au risque (internats, surveillance).
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Formation et accompagnement : Importance de la formation des professionnels de l'éducation et de l'accompagnement des équipes de direction.
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Réflexivité de l'institution scolaire : Nécessité pour l'école de s'interroger sur ses propres mécanismes et de prendre en compte la parole des élèves.
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Participation des victimes : Importance d'associer les victimes et les collectifs à l'élaboration des politiques publiques.
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Vulnérabilités spécifiques : Attention particulière portée aux enfants en situation de handicap et aux territoires d'outre-mer.
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Articulation entre signalement, justice et institution scolaire : Complexité et manque de cohérence dans la prise en charge des situations signalées.
Idées et faits importants :
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La CIIVISE a recueilli 30 000 témoignages, dont 11 % concernent des violences institutionnelles.
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Les établissements scolaires sont le premier lieu institutionnel concerné par les violences sexuelles faites aux enfants, représentant 40 % des cas rapportés en institution. Viennent ensuite les institutions de loisirs (28 %), religieuses (24 %), d'aide à l'enfance ou hospitalières (8 %).
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Les hommes rapportent davantage de violences sexuelles en institution (28 %) que les femmes (9 %).
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Les agressions sexuelles sont plus fréquentes (71 %) que les viols ou tentatives de viol (44 %) en institution.
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Les violences institutionnelles ont souvent un caractère sériel (57,6 % dans l'école publique).
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L'agresseur est le plus souvent un religieux (25 %), suivi d'un professionnel de l'éducation (19 %) et d'un camarade (17 %). Plus de 8 agresseurs sur 10 sont majeurs (83 %).
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Les révélations récentes sur l'ampleur des violences dans les établissements scolaires ne surprennent pas la CIIVISE, mais elles ravivent des souvenirs chez de nombreuses victimes et encouragent la libération de la parole.
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La CIIVISE insiste sur la nécessité de prendre en compte les violences sexuelles entre mineurs, qui peuvent être une conséquence indirecte de négligences institutionnelles. Un témoignage poignant illustre ce point, décrivant des abus dans les toilettes scolaires en raison d'une surveillance inexistante.
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La CIIVISE a formulé 82 recommandations en 2023. Parmi les 15 plus urgentes, figure la proposition d'une mission inter-inspections pour faire l'état des lieux des dispositifs d'alerte et de contrôle dans tous les établissements accueillant des enfants.
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Actuellement, les dispositifs de signalement (comme le 119 ou Fait Établissement) ne sont pas organisés de manière systématique et ne concernent pas la même temporalité (alertes sur mineurs en danger pour le 119 vs témoignages sur des violences anciennes pour la CIIVISE).
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La cellule "signal sport" est citée comme modèle de procédure claire et connue, de mise en cohérence des institutions et de suivi des victimes et agresseurs, ce qui n'est pas encore pleinement réalisé dans l'éducation nationale.
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Les protocoles de signalement dans l'éducation nationale sont jugés insuffisants malgré des améliorations récentes.
Ils nécessitent une meilleure appropriation par les personnels, un accompagnement des équipes de direction dans les décisions difficiles (signalement au parquet, suspension de personnel) et une meilleure mise en cohérence entre l'institution scolaire et le système judiciaire.
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Le programme Phar, bien que positif pour la lutte contre le harcèlement, devrait inclure un volet spécifique sur les violences sexuelles. Son application dans les établissements privés sous contrat est questionnée.
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La difficulté de la prise de décision par les chefs d'établissement est soulignée, ainsi que le manque de clarté des arbres décisionnels et la nécessité d'une approche collégiale.
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L'extension annoncée du dispositif Fait Établissement aux établissements privés sous contrat est saluée, mais la situation des établissements privés hors contrat, qui échappent à ce dispositif, est source d'inquiétude.
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La CIIVISE rappelle que tout adulte ayant connaissance de violences sexuelles faites à un enfant ou d'inceste a l'obligation immédiate d'en référer au procureur de la République, quel que soit son statut ou sa fonction.
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Les situations d'exposition au risque (internats, moments non surveillés) sont des facteurs clés de la survenue des violences, indépendamment du statut public ou privé de l'établissement.
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La recherche en sciences de l'éducation sur ces sujets est jugée insuffisante et mérite d'être développée.
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L'éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité de la maternelle à la terminale est considérée comme un levier majeur pour la prévention.
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La CIIVISE mène des "dialogues de territoire" avec l'ensemble des acteurs locaux pour identifier les obstacles aux coopérations interinstitutionnelles.
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Une attention particulière doit être portée aux enfants en situation de handicap, qui sont infiniment plus visés par les violences sexuelles, et aux territoires d'outre-mer, pour lesquels la CIIVISE manque de moyens pour mener des investigations approfondies.
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Le contrôle des antécédents judiciaires des personnels, en particulier dans le privé, doit être renforcé.
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L'omerta, les dénis et la démultiplication des lignes d'appel et des commissions nuisent à la lisibilité et à l'efficacité de l'action publique.
Citations clés :
- Mme Casagrande : "chaque fois qu' éclairé de manière sectorielle des violences faites aux enfants alors nous laissons dans l'ombre une partie de réalité qui sera nous le craignons plus tard matière à un autre drame à peut-être d'autres commissions d'enquête
Et par conséquent nous souhaitons très vivement mesdames et messieurs les députés que vos travaux inspirent une approche transversale des droits des enfants C'est une première vigilance que nous portons à votre attention"
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Mme Casagrande : "selon nous aucun adulte ne doit être dans l'entourage d'un enfant sans que l'on est veillé à ce qu'il soit un porteur actif et même inlassable de ses droits et de sa protection"
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Mme Casagrande : "Par le nature même les violences sexuelles faites aux enfants sont entourées d'un déni extrêmement profond Toute recommandation utile de votre part doit en être instruite"
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Mme Casagrande : "40 % d'entre elles se sont produites dans des institution scolaires C'est le premier lieu institutionnel concerné par les violences sexuelles faites aux enfants"
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Mme Casagrande : "Les violences ont un caractère sériel dans la famille les violences sexuel se sont produites plusieurs fois selon les témoignages dans 62 % des cas et vous le verrez la proportion est comparable dans les institutions que sont l'église catholique Dans 59 % des cas c'était sériel et dans le cadre de l'école publique 57,6 % des cas
Nous avons donc affaire à des violences qui ne s'arrêtent pas d'elles-même qui se répètent"
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Mme Casagrande (citant un témoignage) : "Mon seul but par ce témoignage est par respect pour les enfants aujourd'hui et à venir de tout faire pour que dans toutes les écoles de France ou dans les structure où ils sont accueillis en dehors de l'école on apporte une très très grande attention à la surveillance lors des passages aux toilettes quit à embaucher du personnel pour éviter ce que je vais vous raconter"
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Mme Casagrande : "Parmi les 15 recommandations figure le principe d'une mission interinspection mission interinspection faisant enfin la lumière sur l'ensemble des dispositifs d'alerte et de contrôle existant dans les établissements
Aujourd'hui les Français ne savent pas quels sont les lieux où leurs enfants sinon sont protégés absolument du moins où les violences seraient repérées rapidement et où les circuits sont non seulement installés au plan administratif mais surtout efficace par une culture d'ensemble"
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M. Burbage : "il ne s'est pas encore passé du côté de l'éducation nationale ce qui s'est passé du côté du sport"
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Mme Casagrande : "ce que nous constatons tient moins au caractère public privé sous-contrat ou autres statut et caractérisation administrative que la caractère des caractéristiques d'exposition au risque qui sont bien connues comme par exemple le fait qu'il y ait des internats le fait qu'il y ait des accueils des élèves dans des conditions institutionnelles dans lesquelles les enfants vont être loin des regards loin de l'extérieur pendant des heures et par exemple la nuit par exemple pendant les vacances par exemple pendant les weekends"
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Mme Casagrande : "nous ne recueillons absolument pas d'alerte sur des mineurs qui sont aujourd'hui en danger" (concernant la CIIVISE, à la différence du 119)
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M. Burbage : "l'indépendance de l'inspection générale est garantie aussi par la manière dont sa son chef ou sa chef de service est nommé et sur le fait qu'à partir du moment où elle est nommée sauf faute grave elle est nommée pour 5 ans et personne ne peut la révoquer"
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M. Vanier : "les annonces de la ministre Borde ne portent pas sur le hors contrat"
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Mme Casagrande : "la civis considère que tout adulte qui a connaissance de violence sexuelle faite à un enfant ou d'inceste doit immédiatement en référer au procureur de la République Il n'y a aucun statut aucun métier aucune position et aucune mission qui permette de déroger à cette obligation"
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Mme Casagrande : "nous partageons votre épouvante à l'idée que des violences aussi massives que celles dont nous parlons l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants dans les établissements scolaires et ailleurs ne fassent pas l'objet de dispositif de prévention"
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Mme Casagrande : "si nous devions immédiatement formuler avec force une recommandation... elle concernerait les enfants en situation de handicap"
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Mme Melker : "nous on aimerait bien participer on a des idées on a des idées on aimerait bien les partager" (concernant les collectifs de victimes)
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Mme Casagrande : "le premier ou l'un des premiers [principes directeurs] d'entre eux c'est la participation des personnes victimes à l'élaboration de la politique publique qui les concerne"
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Mme Casagrande : "nous savons que c'est lors de leur savoir expérientiel que nous trouverons une partie absolument incontournable de la politique publique de demain"
Recommandations et propositions :
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Promouvoir une approche transversale des droits de l'enfant.
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Acculturer tous les adultes à la détection et à la protection des enfants.
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Réaliser une mission inter-inspections pour cartographier les dispositifs d'alerte et de contrôle dans tous les établissements accueillant des enfants.
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Étendre les dispositifs de signalement et de contrôle (comme Fait Établissement et Phar) à l'ensemble des établissements scolaires, y compris le privé sous contrat et le privé hors contrat.
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Clarifier et sécuriser les procédures de signalement et de prise de décision pour les personnels, notamment les chefs d'établissement.
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Mettre en place des cellules de dialogue interprofessionnelles pour accompagner les décisions difficiles.
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Améliorer la formation des professionnels de l'éducation à la détection et à la prise en charge des violences sexuelles.
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Développer l'éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité.
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Renforcer les contrôles d'honorabilité des personnels, en particulier dans le privé.
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Prendre en compte les violences sexuelles entre mineurs comme une priorité.
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Accorder une attention particulière aux enfants en situation de handicap et aux territoires d'outre-mer.
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Associer activement les victimes et les collectifs à l'élaboration des politiques publiques.
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Améliorer la cohérence entre les différentes institutions impliquées dans la prise en charge des situations signalées (école, justice, etc.).
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Réfléchir à la démultiplication des numéros d'appel et à leur lisibilité.
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Soutenir la recherche en sciences de l'éducation sur ces sujets.
Constats et inquiétudes :
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Manque de données consolidées et précises sur les violences en milieu scolaire, notamment dans le privé sous contrat et hors contrat.
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Retard significatif dans la mise en place de dispositifs de prévention et d'alerte systématiques par rapport à d'autres risques (incendie, intrusion).
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Démultiplication des numéros d'appel et des commissions, nuisant à la lisibilité.
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Manque de clarté et d'uniformité dans les procédures de signalement et de prise de décision.
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Difficulté de faire respecter l'obligation de signalement au procureur pour tous les personnels, notamment ceux qui ne sont pas fonctionnaires.
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Vulnérabilité accrue des établissements avec internats ou offrant des conditions d'exposition particulières.
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Absence de contrôle et de régulation suffisants dans les établissements privés hors contrat.
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Manque de moyens de la CIIVISE pour approfondir certains sujets (handicap, outre-mer).
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Inquiétude sur l'avenir de la recherche en sciences de l'éducation.
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Lenteur du temps judiciaire pour les victimes.
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Persistance de l'omerta et des dénis.
Points en suspens et à approfondir :
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Impact précis des révélations récentes sur les données de la CIIVISE et l'évolution de la proportion des violences institutionnelles.
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Modalités concrètes d'extension des dispositifs (Fait Établissement, Phare) aux établissements privés.
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Adaptation des protocoles et de l'accompagnement des équipes de direction dans les établissements privés.
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Mise en place de cellules de dialogue interprofessionnelles.
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Financement et organisation de la recherche en sciences de l'éducation sur les violences.
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Moyens à dégager pour la CIIVISE afin d'approfondir les sujets spécifiques (handicap, outre-mer).
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Évaluation des "dialogues de territoire" de la CIIVISE et identification des leviers pour les obstacles aux coopérations interinstitutionnelles.
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Réflexion sur la refonte ou la clarification des numéros d'appel d'urgence.
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Amélioration du contrôle des établissements privés hors contrat.
Conclusion :
- L'audition de la CIIVISE met en lumière l'ampleur des violences sexuelles en milieu scolaire et le besoin urgent d'une réponse globale et coordonnée.
Bien que des avancées récentes soient notées (protocoles de signalement, programme Phare), des lacunes importantes subsistent, notamment concernant la prévention, le système de signalement et de contrôle dans tous les types d'établissements, la formation des personnels, et la prise en compte des vulnérabilités spécifiques.
La CIIVISE insiste sur la nécessité d'une approche transversale, d'une culture de vigilance et d'une participation active des victimes pour construire des politiques publiques efficaces.
L'accélération du temps judiciaire et la levée de l'omerta sont également des enjeux cruciaux.
Les travaux en cours de la CIIVISE et ceux de la commission d'enquête parlementaire devraient permettre de formuler des propositions concrètes pour mieux protéger les enfants dans les établissements scolaires.