Synthèse de la Mission Flash sur l'Accompagnement à l'Orientation des Élèves
Synthèse
Ce document de synthèse présente les conclusions de la mission flash sur l'évaluation de l'accompagnement des élèves à la découverte des métiers et à l'orientation, menée par les rapporteurs Arnaud Bonet et Laurent Croisier.
Après quatre mois de travaux et plus de 24 auditions, le rapport dresse le constat d'un système d'orientation perçu comme un "chantier perpétuel" et un "chemin escarpé", source d'angoisse pour les élèves, les familles et les équipes éducatives, en raison de l'absence d'une stratégie nationale claire et de la succession de réformes.
Les conclusions s'articulent autour de cinq axes majeurs :
1. Un parcours d'orientation continu : L'orientation doit être un processus de long terme, débutant dès l'école primaire pour déconstruire les stéréotypes et s'étendant tout au long de la scolarité, en impliquant étroitement les familles.
2. Un accompagnement individualisé : La mise en place d'un référent orientation issu du corps enseignant dans chaque établissement est jugée indispensable, tout comme la création d'un droit effectif à la réorientation et la valorisation des compétences non académiques.
3. La lutte contre les inégalités : Le rapport souligne que l'orientation reste fortement déterminée socialement et propose des mesures pour combattre l'autocensure, revaloriser la voie professionnelle et mieux accompagner les élèves en situation de handicap et ultramarins.
4. La mobilisation des moyens : Des investissements significatifs sont nécessaires, notamment pour la formation certifiante des enseignants, le financement d'heures dédiées à l'orientation et la révision de la carte des Centres d'Information et d'Orientation (CIO).
5. Une coordination renforcée des acteurs : Face aux tensions et à la confusion nées du partage de compétences entre l'État et les Régions depuis 2018, le rapport préconise une clarification des rôles et une meilleure articulation des actions pour offrir un parcours plus cohérent aux élèves.
Au total, 45 pistes d'amélioration sont proposées pour transformer l'orientation d'un parcours subi en un levier d'égalité des chances et d'émancipation, permettant à chaque jeune de construire un avenir choisi.
Analyse Détaillée des Conclusions du Rapport
1. Constat Général : Un Parcours d'Orientation Fragmenté et Anxiogène
Les rapporteurs ouvrent leur analyse en qualifiant l'orientation de "chantier perpétuel" et de "chemin escarpé et redouté".
Ce système est marqué par une succession de réformes qui, faute d'une véritable stratégie nationale, ont abouti à une fragmentation des actions.
L'orientation est trop souvent vécue comme une série de décisions ponctuelles et anxiogènes plutôt que comme un processus continu et réfléchi.
2. Axe 1 : Pour un Continuum d'Orientation de l'École Primaire au Lycée
Pour remédier à cette fragmentation, le rapport insiste sur la nécessité de concevoir l'orientation comme un processus s'inscrivant dans la durée.
• Découverte des métiers dès le primaire : Il est proposé d'anticiper la démarche de découverte des métiers dès l'école primaire.
L'objectif n'est pas d'orienter précocement les élèves, mais d'élargir leurs horizons et de "déconstruire les représentations conduisant à l'autocensure", car "la construction des stéréotypes n'attend pas la classe de 5e".
• Implication des familles : Considérant que les parents sont les "premiers prescripteurs de l'orientation", le rapport préconise d'instaurer un dialogue régulier entre les familles et les équipes éducatives, avec un premier temps d'échange formel dès la classe de 5e.
• Transparence de l'information :
◦ Face à une information abondante mais parfois "paralysante", le rôle de l'ONISEP comme acteur de référence est salué.
La nouvelle plateforme "Avenir(s)", déployée depuis décembre 2023, a vocation à devenir l'outil central pour l'accompagnement de la 5e à la terminale.
Son adoption reste cependant un défi, avec 86 000 élèves connectés au 30 mai 2024, pour un objectif initial de 200 000. * ◦ Une alerte est lancée sur les intitulés des diplômes et des formations, jugés souvent sources de confusion.
• Parcoursup : La plateforme est décrite comme "complexe, opaque et anxiogène". Les rapporteurs recommandent :
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◦ D'inscrire dans la loi l'obligation de transparence des algorithmes (déjà publics).
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◦ De rendre publics et clairement formulés les critères de sélection des commissions de vœux.
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◦ L'un des rapporteurs recommande de "rechercher une alternative crédible à Parcoursup" pour garantir un accueil inconditionnel dans les filières universitaires non sélectives.
• Réforme des stages :
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◦ Pour le stage de 3e, il est proposé de permettre de le scinder en plusieurs expériences courtes pour découvrir un panel de métiers plus varié et lutter contre la reproduction des inégalités sociales.
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◦ Pour le stage de 2de, il est proposé de supprimer son caractère obligatoire pour en faire un "espace de découverte et d'approfondissement d'un projet personnel".
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◦ La diffusion du "job shadowing" (suivi d'un professionnel pendant une journée) est également recommandée.
3. Axe 2 : La Nécessité d'un Accompagnement Personnalisé
L'aide individualisée à l'orientation, bien que prévue dans les textes, n'est pas toujours effective.
Trois pistes sont avancées :
• Un référent orientation dans chaque établissement : La nomination d'un "référent pour l'orientation et la découverte des métiers" est préconisée dans chaque établissement, y compris dans les lycées généraux et technologiques.
Ce rôle devrait être confié à un personnel enseignant, et non à un psychologue de l'Éducation nationale (Psy-EN), pour plusieurs raisons :
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◦ Les enseignants sont au contact quotidien de l'ensemble des élèves.
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◦ Les Psy-EN sont en nombre insuffisant (ratio estimé à 1 pour 1200 à 1300 élèves). ◦
Les Psy-EN partagent leur temps entre plusieurs établissements et leurs missions sont désormais majoritairement centrées sur le suivi psychologique.
• Un droit effectif à la réorientation : Les parcours scolaires sont jugés "trop rigides".
Le rapport appelle à un "véritable droit à la réorientation", perçu non comme un échec mais comme une opportunité, en créant des passerelles effectives entre les différentes voies.
• Valorisation des compétences non académiques : Le rapport insiste sur la nécessité de repérer et de mettre en valeur les compétences et ressources des élèves, y compris ceux en difficulté scolaire.
4. Axe 3 : Lutter Contre les Déterminismes et les Inégalités
L'orientation scolaire reste "très largement socialement déterminée". Le rapport cible cinq champs d'action :
• Combattre l'autocensure : Encourager les mécanismes d'inspiration par les pairs ("rôles modèles") en mobilisant d'anciens élèves, des étudiants ou de jeunes professionnels.
• Impliquer toutes les familles : Organiser des événements sur l'orientation dans des tiers-lieux (maisons de quartier, mairies) pour toucher les familles les plus éloignées de l'école.
• Revaloriser la voie professionnelle : Pour lutter contre la perception de la voie professionnelle comme un "choix par défaut" et une "orientation subie", il est proposé d'inciter à la création de lycées polyvalents et d'expérimenter des classes mixtes en seconde (générale, technologique et professionnelle) autour d'un tronc commun.
• Élèves en situation de handicap :
- ◦ Garantir un accès prioritaire à l'internat.
- ◦ Automatiser la transmission des informations sur les aménagements de scolarité entre établissements (avec accord de la famille).
• Néobacheliers ultramarins :
- ◦ Augmenter le montant de l'aide "Parcours" (actuellement 500 €).
- ◦ Rehausser le plafond fiscal (actuellement environ 27 000 €) du "Passeport pour la mobilité des études".
5. Axe 4 : Moyens Humains et Budgétaires à Mobiliser
L'atteinte des objectifs nécessite des moyens concrets.
• Formation des personnels : Mettre en place une formation obligatoire et certifiante à l'orientation pour les enseignants, tant en formation initiale (INSPÉ) que continue.
• Financement des heures dédiées : Les volumes horaires prévus (12h en 4e, 36h en 3e, 54h au lycée) sont souvent indicatifs et non financés.
Le rapport demande que ces heures soient intégrées à l'emploi du temps et que le référent orientation bénéficie d'une décharge horaire sur ses obligations de service, plutôt qu'une simple indemnité via le "Pacte enseignant".
• Rôle des Psy-EN et carte des CIO :
- ◦ Mettre à jour le Code de l'éducation qui mentionne encore les "conseillers d'orientation-psychologues", un corps abrogé en 2017.
- ◦ Formaliser par convention la mission d'appui des Psy-EN aux enseignants.
- ◦ Revoir la carte des 411 CIO, dont le nombre a été réduit d'un quart en dix ans, afin de garantir qu'aucun élève ne soit à plus de 45 minutes en transport en commun d'un centre.
6. Axe 5 : Améliorer la Coordination entre les Acteurs
La loi de 2018 confiant l'information sur les métiers aux Régions a créé une source de "confusion" et de "tension" avec l'État, responsable du conseil.
• Un partage de compétences flou : Un consensus se dégage sur la nécessité de clarifier les missions de chacun, sans pour autant opérer un nouveau transfert de compétences vers les Régions.
• Une offre régionale méconnue : L'action des Régions est mal connue des établissements.
Selon la Cour des comptes (2022), seuls 22 % des établissements déclarent avoir recours aux ressources régionales documentaires et 12 % aux dispositifs régionaux.
• Des outils de coordination inopérants : Le programme annuel d'orientation, qui doit articuler les actions de la Région et le projet de l'établissement, n'est que très rarement mis en place.
• Recommandations de coordination :
- ◦ Améliorer la communication sur l'offre de services des Régions.
- ◦ S'assurer de la mise en place du programme annuel d'orientation dans chaque établissement.
- ◦ Cartographier les actions régionales pour identifier les zones non couvertes.
- ◦ Garantir que la plateforme "Avenir(s)" de l'ONISEP valorise les informations régionales pour éviter la concurrence.