Briefing Document : Analyse des enjeux et dispositifs relatifs à la jeunesse en France
Date : 2024-11-07
Source : Excerpts from "https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2025-03/20250319-RPA2025-volume1_1.pdf" (Cour des Comptes, Rapport sur la politique en faveur de la jeunesse, mars 2025, Volume 1)
Objet : Synthèse des principaux thèmes, idées et faits marquants concernant la politique en faveur de la jeunesse en France, tels qu'analysés par la Cour des Comptes.
Public Cible : Toute personne intéressée par les politiques publiques relatives à la jeunesse (décideurs politiques, administrations, acteurs du secteur, chercheurs, etc.).
Principaux Thèmes et Idées Clés :
Le rapport de la Cour des Comptes met en lumière plusieurs aspects cruciaux de la politique en faveur de la jeunesse, allant du financement des dispositifs à l'accès aux droits, en passant par l'emploi, la formation, le logement et la mobilité.
1. Complexité et Manque de Coordination des Dispositifs :
Le paysage des dispositifs dédiés à la jeunesse est caractérisé par sa complexité et un manque de coordination.
De nombreuses aides financières et dispositifs existent, souvent liés à l'âge et parfois au statut (étudiant, apprenti, demandeur d'emploi).
Leur origine est diverse (État, régions, départements, communes, organismes divers), et leurs conditions d'obtention varient (âge, ressources, statut, domiciliation).
Citation : "Il est difficile de dresser un tableau complet de ces aides, qui peuvent être présentées selon leur objet (logement, transports, sport, culture, prêt, aides, bourses, etc.), selon l’origine de l’aide (...), ou leur matérialité (...). Ces différentes catégories peuvent s’exclure mutuellement ou être cumulables, être soumises à des conditions (...) et varier sur les limites d’âge."
Le rapport souligne un manque de coordination et de paramétrage des moyens déployés, ainsi qu'un pilotage davantage axé sur l'offre (cibles en volume) que sur les besoins et les résultats. La clarté et le partage des critères d'orientation des jeunes entre les acteurs sont également insuffisants.
Citation : "Au-delà d’une refonte de la stratégie d’ensemble, les moyens déployés doivent être mieux coordonnés et paramétrés. La détermination des cibles nationales assignées à chaque dispositif ne repose pas sur une évaluation rigoureuse des besoins. Les règles de répartition territoriale des moyens ne garantissent pas une allocation optimale des ressources. Le pilotage par l’offre, fondé sur des cibles en volume pour chaque dispositif, doit céder la place à un pilotage par les besoins et les résultats."
2. Définition Juridique de la Jeunesse et Droits :
Le droit ne reconnaît pas une notion unique de "jeunesse", établissant une distinction radicale entre mineurs et majeurs (18 ans).
Cependant, il existe une progressivité des compétences juridiques et sociales pour les mineurs dès 12 ans, créant une forme de "pré-majorité" avec des droits acquis selon l'âge, l'accord des parents ou les circonstances (soins médicaux, contraception, porter plainte, etc.).
Citation : "Un premier constat s’impose : le droit ne connaît pas la notion de jeunesse. Il établit un partage radical entre mineurs et majeurs et concourt ainsi à définir deux grandes catégories juridiques de « jeunes » selon qu’ils ont atteint, ou non, 18 ans."
3. Financement des Politiques Jeunesse :
Les crédits budgétaires spécifiquement dédiés à la jeunesse restent marginaux et peu évolutifs, incitant les universités à se tourner vers des financements ponctuels via des appels à projets (Plan d'Investissement d'Avenir, France 2030).
La pérennisation du financement des projets à moyen terme est une préoccupation.
Le Document de Politique Transversale (DPT) "Politique en faveur de la jeunesse" présente les axes stratégiques et les crédits de l'État, mais il n'existe pas d'équivalent au niveau des collectivités territoriales et de la sécurité sociale, ce qui limite la vision globale des financements.
Les dépenses de l'État en faveur des 15-25 ans concernent majoritairement l'éducation (enseignement scolaire et supérieur) et l'accompagnement des mutations industrielles (apprentissage). Des crédits importants sont également alloués via la mission Cohésion des territoires (aides personnelles au logement).
Citation : "Cependant, les crédits budgétaires en question restent marginaux et peu évolutifs, ce qui a incité les universités à s’orienter vers les appels à projets du plan d’investissement d’avenir et du plan France 2030. Ceux-ci ont été déterminants pour mettre en place sur le terrain des projets structurants.
Cependant, ces abondements extra-budgétaires ne sont attribués que pour une période donnée et les universités doivent désormais anticiper la façon dont elles financeront à moyen terme les projets en cours ou ceux qui restent à lancer."
Citation : "Les crédits de l'État destinés aux 15-25 ans concernent massivement l’éducation, du lycée au supérieur."
4. Inégalités Territoriales :
La situation de la jeunesse varie considérablement d'un territoire à l'autre. L'indice de jeunesse révèle des "îlots de jeunesse" principalement autour des grandes métropoles.
Les territoires ruraux sont confrontés à des défis spécifiques en matière d'accès à l'enseignement supérieur et à l'emploi.
Citation : "Ces tendances nationales sont variables d’un territoire à l’autre. À l’échelle départementale, en 2023, les 15-29 ans représentaient moins de 15 % de la population dans 30 départements, et plus de 20 % pour dix d’entre eux."
5. L'Obligation de Formation pour les 16-18 Ans :
Le rapport analyse la mise en œuvre de l'obligation de formation pour les jeunes de 16 à 18 ans.
Si des solutions sont proposées majoritairement via les dispositifs d'insertion professionnelle de droit commun (Pacea, CEJ), des écarts importants existent dans le repérage des jeunes concernés.
La coordination avec les départements, qui ont un rôle dans les politiques sociales, n'est pas toujours systématique.
Citation : "Contrairement à ce que suggère son intitulé, celle-ci consiste au moins autant à accompagner qu’à former les jeunes concernés."
6. Réussite dans l'Enseignement Supérieur :
Malgré les dispositifs d'accompagnement (plan "Réussir en licence", loi ORE), le taux de diplomation en licence en trois ans reste inférieur à 50%.
La performance des formations en termes de réussite étudiante est progressivement intégrée dans l'allocation des ressources aux universités via les contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP).
Le rapport plaide pour une meilleure visibilité des dispositifs de prévention de l'échec et un suivi statistique consolidé.
Citation : "Globalement, depuis la mise en place du plan « Réussir en licence », en 2007, et l’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite (ORE), la part des étudiants ayant obtenu un diplôme de licence en trois ans a progressé de 5,8 points entre la cohorte 2013 et la cohorte 2019."
7. Accès des Jeunes Ruraux à l'Enseignement Supérieur :
L'accès est limité par une offre de formation de proximité restreinte et des freins socio-économiques (revenus plus faibles, éloignement géographique).
Les dispositifs d'aide aux étudiants ne prennent que faiblement en compte le critère d'éloignement.
Le rapport recommande de simplifier la gestion des aides et de revoir les modalités d'attribution pour mieux intégrer l'éloignement.
Citation : "L’accès des jeunes issus des territoires ruraux à l’enseignement supérieur est un enjeu majeur de cohésion sociale et territoriale.
Or, cette problématique est aujourd’hui faiblement prise en compte par les politiques publiques."
8. Insertion Professionnelle et Dispositifs d'Accompagnement :
Le rapport analyse l'impact des différents dispositifs d'insertion (Pacea, CEJ, AIJ).
Il souligne les biais potentiels liés aux cibles en volume fixées nationalement, qui peuvent inciter les opérateurs à orienter les jeunes vers certains dispositifs pour atteindre leurs objectifs de financement, plutôt qu'en fonction des besoins réels.
Le pilotage par l'offre est critiqué au profit d'un pilotage par les besoins et les résultats.
Citation : "La montée en charge du CEJ s’est par exemple opérée au détriment de l’AIJ (France Travail) et du Pacea (missions locales), dispositifs préexistants et de moindre intensité : il est possible qu’une partie des jeunes orientés vers le CEJ l’aient été moins parce qu’ils avaient réellement besoin d’un accompagnement intensif que parce que les prescripteurs étaient soucieux d’atteindre leurs objectifs."
9. Logement des Jeunes :
La politique du logement étudiant s'est longtemps concentrée sur les résidences universitaires.
La garantie Visale est un dispositif important pour faciliter l'accès au logement des jeunes, mais elle rencontre parfois des réticences de la part des bailleurs.
Des dispositifs expérimentaux visent à accompagner globalement les jeunes précaires, où le logement est un outil de stabilisation. Une meilleure coordination locale et la mobilisation du foncier universitaire sont encouragées.
Citation : "Depuis le début des années 2010, le logement étudiant à vocation sociale fait l’objet d’objectifs de production à travers des plans gouvernementaux..."
10. Mobilité des Jeunes et Transports Collectifs :
Le droit à la mobilité, bien que général, a des implications pour les jeunes. Les politiques tarifaires des autorités organisatrices de mobilité (AOM) pourraient être mieux ciblées.
Des initiatives temporaires comme les Pass Jeunes et le Pass Rail ont montré leur succès.
Le développement de l'offre de transports collectifs vers les zones périurbaines et rurales est un enjeu majeur pour l'égalité d'accès.
Citation : "Le droit aux transports pour tous est inscrit dans la loi depuis 1982.
Il a été transformé en un droit à la mobilité en 2019 qui ne concerne pas spécifiquement les jeunes, sauf pour les transports scolaires."
11. Jeunes Majeurs Sortant de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) :
La loi du 7 février 2022 a renforcé le droit à l'accompagnement pour les jeunes majeurs sortant de l'ASE, mais des disparités persistent dans les niveaux de prise en charge selon les départements.
La notion de "contrat jeune majeur" est variable.
L'accès au droit commun (insertion, logement) pour ces jeunes doit être renforcé.
Le pilotage des dispositifs et le suivi de l'atteinte des objectifs sont souvent insuffisants.
Citation : "Les jeunes majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance (ASE), et plus largement tout jeune de 18 à 21 ans sans « ressources ou soutien familial suffisants », sont pris en charge à leur demande par les départements en application de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles."
Conclusion :
Le rapport de la Cour des Comptes dresse un tableau complexe de la politique en faveur de la jeunesse en France.
Il met en évidence la nécessité d'une meilleure coordination et d'un pilotage axé sur les besoins et les résultats, d'une prise en compte accrue des inégalités territoriales, et d'un renforcement de l'accès aux droits pour tous les jeunes, en particulier ceux en situation de vulnérabilité.
La simplification et la clarification des dispositifs, ainsi qu'une vision globale du financement, apparaissent comme des leviers essentiels pour améliorer l'efficacité et l'équité des politiques publiques dédiées à la jeunesse.