DOCUMENT DE SYNTHÈSE : Les Politiques d'Accompagnement à la Parentalité en France
Source : Rapport d’information N° 1638, Assemblée Nationale, Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur les politiques d’accompagnement à la parentalité, présenté par Mme Sarah Legrain et Mme Delphine Lingemann, enregistré le 24 juin 2025.
Synthèse Exécutive
Ce rapport de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes met en lumière les inégalités persistantes dans la répartition des charges domestiques et parentales en France, majoritairement assumées par les femmes.
Il révèle que la parentalité, loin d'être neutre en matière de genre, est une cause majeure des inégalités économiques, professionnelles et sociales entre les hommes et les femmes. La "pénalité parentale" affecte de manière significative la carrière et les revenus des femmes, tandis que les hommes en sont largement épargnés.
Les rapporteures identifient plusieurs axes clés pour favoriser une répartition plus égalitaire des tâches parentales et promouvoir une vision positive et égalitaire de la parentalité, formulant 44 recommandations pour y parvenir.
Ces recommandations couvrent l'éducation et l'information, la prise en compte de la parentalité au travail, l'accompagnement des parents dès le désir d'enfant, la refonte des systèmes de congés parentaux et des modes d'accueil, le soutien aux parents d'adolescents et l'accompagnement des familles monoparentales.
Thèmes Principaux et Idées Clés
1. La Charge Domestique et Parentale Inégalitaire : Un Frein à l'Égalité des Femmes
- Division Sexuée Persistante : Malgré une impression d'égalité, les femmes continuent d'assumer la majeure partie des responsabilités domestiques et parentales. En moyenne, elles réalisent 71% des tâches domestiques et 65% des tâches parentales du foyer. Cette division est profondément enracinée dans un héritage historique et des stéréotypes de genre tenaces.
- Stéréotypes de Genre : L'idée que "les mères savent mieux répondre aux besoins et attentes des enfants que les pères" est très présente chez les adultes (60% y adhèrent) et se perpétue chez les jeunes (54% des 18-24 ans). Ces stéréotypes contribuent à une dévalorisation sociale des tâches considérées comme féminines.
- "Double Journée" des Mères : L'arrivée des enfants aggrave cette inégalité. Pour les femmes, cela représente environ "cinq heures de travail supplémentaire", tandis que pour les hommes, cela "réduit leur temps domestique et parental de deux heures". Les femmes salariées cumulent travail professionnel, domestique et parental, totalisant "onze heures par jour contre moins de dix heures pour les hommes".
- Impact du Système de Congés : La différence de durée entre le congé maternité (16 semaines) et le congé paternité (28 jours) renforce la dynamique d'une "mère 'parent principal' et d'un père 'auxiliaire'". Le congé parental est également majoritairement pris par les mères (94% des cas), ce qui pénalise leur carrière.
- Difficultés des Modes d'Accueil : Le manque et la répartition inégale des places en crèche et chez les assistantes maternelles obligent souvent les mères à compenser les dysfonctionnements du système. "Près de 20% des parents n’obtiennent pas de mode d’accueil, plus de 160 000 ne reprennent pas le travail faute de solution de garde pour leur enfant", les mères étant la "variable d'ajustement".
2. Conséquences Lourdes pour les Mères : Coût Humain, Économique et Social
- Pénalité Parentale au Travail : La parentalité a un "impact négatif de la parentalité sur le parcours professionnel des femmes", alors qu'elle n'a "aucun effet ou presque sur l’évolution professionnelle des hommes". "90% des inégalités de revenu entre les femmes et les hommes sont directement dues à la 'pénalité parentale' que subissent les femmes". Dix ans après l'arrivée du premier enfant, le revenu moyen des femmes chute d'environ 38%.
- Discrimination : Plus de six femmes sur dix estiment qu’être mère est un frein à la carrière. 27% des femmes déclarant être discriminées au travail estiment que cette discrimination est liée à la grossesse ou au congé maternité.
- Vulnérabilité des Mères Solos : Les mères solos (82% des familles monoparentales) sont particulièrement touchées. Elles subissent une "triple pénalité croisée : leur genre, leur situation professionnelle […], leur situation familiale", les exposant aux emplois précaires et mal rémunérés, et augmentant leur risque de pauvreté. "Près d’une mère seule sur cinq est pauvre alors qu’elle a un emploi".
- Risque d'Épuisement et Santé Mentale : La charge disproportionnée entraîne un "risque réel d’épuisement pour les mères". L'isolement peut favoriser la dépression post-partum, qui touche environ 20% des femmes et est la "première cause de la mortalité maternelle dans l’année qui suit la naissance de l’enfant".
- Coût Économique Élevé : Outre la perte de revenus due aux congés maternité et à la réduction d'activité, la séparation a un "lourd coût pour les mères". Une femme séparée sur trois "bascule sous le seuil de pauvreté l’année de la séparation", son niveau de vie baissant d'environ 20% (contre 7% pour les hommes). 39% des enfants vivant en famille monoparentale sont en situation de pauvreté.
3. Propositions pour une Parentalité Égalitaire
Les rapporteures formulent 44 recommandations pour transformer les politiques d'accompagnement à la parentalité, axées sur l'égalité :
Éducation et Information :
- Mettre en place des "cours d’activités domestiques" à l'école ou au collège pour inculquer des compétences à tous les enfants.
- Lancer des "campagnes nationales contre les stéréotypes de genre" sur la parentalité.
- Adopter une "terminologie neutre" (ex: "école pré-élémentaire" au lieu d'"école maternelle", "prestation pour naissance et soin du mineur" au lieu de "congé maternité/paternité").
- Renforcer l'information des parents sur les dispositifs d'accompagnement.
Prise en Compte au Travail :
- Intégrer la parentalité dans la "responsabilité sociétale des entreprises (RSE)" et généraliser la "Charte de la parentalité" aux entreprises de plus de 50 salariés.
- Modifier le Code du travail pour inclure explicitement la parentalité dans les "négociations d’entreprises relatives à l’égalité professionnelle".
- Intégrer des critères sur la parentalité dans le futur "index égalité professionnelle".
- Accorder des "autorisations d’absence" (4 demi-journées/an) aux parents pour les moments clés de la scolarité de leurs enfants.
- Accompagnement dès le Désir d'Enfant et Post-Partum :
- Élargir les "consultations pré-conceptionnelles" au projet parental et permettre au second parent d'assister à tous les rendez-vous médicaux obligatoires de la grossesse.
- Consacrer une séance de préparation à la naissance au "projet parental".
- Renforcer le dispositif d'arrêt en cas d'interruption de grossesse et l'étendre aux interruptions volontaires, avec une autorisation d'absence pour le conjoint.
- Faciliter l'accès aux "consultations sur l’allaitement" et renforcer la "formation des praticiens sur la dépression post-partum".
- Prévoir une "consultation facultative et remboursée à 100% avec un psychologue" pour les mères dans les trois mois après la naissance.
- Étendre le "congé de 'proche aidant'" au second parent en soutien à la mère souffrant de dépression post-partum.
- Lutter contre l'isolement des mères en proposant aux parents "d’être mis en relation avec d’autres parents accueillant leur enfant au même moment".
Réforme des Congés et Modes d'Accueil :
- Congé Paternité : Porter "progressivement le congé paternité à seize semaines, soit à égalité avec le congé maternité". Huit semaines seraient obligatoires (4 à la naissance, 4 après le congé maternité de la mère) et huit facultatives et fractionnables. Cette mesure est un "levier clé pour l’égalité entre les parents" et répond à l'aspiration des pères à s'investir davantage.
- Congé Parental : Réformer le congé parental en "renforçant son attractivité financière sans réduire sa portée pour les ménages modestes", et réfléchir à une "reprise progressive" après le congé.
- Modes d'Accueil : Garantir la "lisibilité et la transparence" des modes de garde, "investir pour augmenter et harmoniser l’offre de crèches sur le territoire", et "revaloriser les métiers de la petite enfance".
- Soutien aux Parents d'Adolescents :
- Élargir les missions des "lieux d’accueil enfants-parents" pour qu’ils puissent "recevoir des adolescents".
- Mettre en place des "politiques publiques ciblant spécifiquement les parents d’adolescents".
- Renforcer l’offre en "pédopsychiatrie" et la "médecine scolaire" face à la dégradation de la santé mentale des jeunes.
- Lancer une "campagne d’information nationale sur la santé mentale des enfants et des adolescents".
Accompagnement des Familles Monoparentales :
- Repenser le "mode de calcul des pensions alimentaires" pour prendre en compte le coût réel de l’entretien d’un enfant et permettre au parent bénéficiaire de "défiscaliser la pension alimentaire".
- Instaurer un "abattement sur le montant de la pension alimentaire pris en compte dans les bases ressources des prestations familiales et des aides au logement, à hauteur de l’allocation de soutien familial (ASF)".
- "Déconjugaliser le versement de l’ASF" et "ouvrir les allocations logement (APL) aux deux parents" pour faciliter l’accueil des enfants.
- Ouvrir aux mères solos la "possibilité de transférer des droits de congés vers un proche de leur choix" et "doubler les jours 'enfant malade'".
- Étudier la création d'un "statut des familles monoparentales" avec des droits spécifiques.
Conclusion des Rapporteures
Les rapporteures affirment que malgré des évolutions, les mères restent le "parent principal", ce qui a des conséquences négatives sur leur santé et leur vie professionnelle.
Une "réforme ambitieuse du système des congés", en particulier du congé second parent, est un "moteur d'égalité" essentiel.
S'inspirant des modèles scandinaves et espagnols, la France peut avancer vers une parentalité égalitaire, non seulement pour l'émancipation des femmes, mais aussi comme réponse aux inquiétudes démographiques.