Note d'information détaillée : Le marché du contenu pour adultes en ligne (OnlyFans & MYM)
Thèmes principaux et idées clés :
Ce document résume les informations clés concernant l'évolution du marché de la pornographie et de l'érotisme, avec une focalisation sur les plateformes en ligne comme OnlyFans et MYM.
Il explore les motivations des créateurs de contenu, le modèle économique de ces plateformes, leurs dérives (notamment la présence de mineurs et le rôle des agents), et le vide juridique actuel en France.
1. La transformation du marché du contenu pour adultes : De la rue à internet.
- Changement de paradigme : Le marché du porno et de l'érotisme a quitté les "vitrines aveugles de la pornographie" dans les rues de Pigalle pour se déporter massivement sur internet. Les "sites porno classiques" ont été rejoints par de nouvelles plateformes.
- Plateformes problématiques : OnlyFans et MYM (Me Your Me) sont identifiées comme des plateformes où l'on "vend des photos ou des vidéos osées" mais qui "posent problème" en raison de la présence de mineurs et d'autres dérives.
2. Le modèle économique des plateformes (OnlyFans et MYM).
- Monétisation du contenu personnel : Les créateurs comme Coralie et Daniela transforment leurs espaces privés en studios pour réaliser des photos et vidéos.
- Fonctionnement de OnlyFans :Abonnement mensuel : Les utilisateurs paient un abonnement pour accéder au contenu général du créateur (ex: Coralie demande 11 dollars/mois).
- Messagerie privée et contenu sur mesure ("médias") : Les abonnés peuvent échanger directement avec les créateurs et commander du contenu personnalisé, ce qui est très lucratif (ex: une vidéo basique de 25 minutes pour Coralie coûte 250 €, le BDSM double le prix ; Bryce Adams vend des vidéos sur mesure à 500 dollars la minute).
- Commissions : La plateforme prend une commission de 20% sur les revenus des créateurs.
- Rapports financiers : OnlyFans est une multinationale britannique avec 4,12 millions de créateurs et plus de 300 millions d'utilisateurs. Son chiffre d'affaires net en 2024 est de "plus d'un milliard de dollars".
- Fonctionnement de MYM :Modèle similaire : MYM, une plateforme française lancée en 2019, fonctionne sur le même principe d'abonnement et de demandes privées.
- Croissance rapide : En 6 ans, le chiffre d'affaires de MYM est passé de 3 millions d'euros à plus de 100 millions, et l'entreprise compte plus de 60 collaborateurs.
- Contenu pour adultes majoritaire : Le contenu pour adultes représenterait, selon la plateforme, "la moitié de ses revenus", mais des sources internes estiment ce chiffre à 60-80%.
- Gains des créateurs : Les revenus peuvent être très élevés. Coralie gagne "2900 € net en moyenne chaque mois", soit plus que son ancien salaire d'employée de bureau. Bryce Adams et son compagnon sont devenus "multimillionnaires", gagnant "plus de 30 millions de dollars" en 4 ans.
3. Les motivations des créateurs de contenu.
- Gains financiers rapides : Le principal attrait est la possibilité de "gagner beaucoup d'argent et très rapidement".
- Indépendance et autonomie : Des créatrices comme Coralie démissionnent de leur emploi traditionnel pour se consacrer pleinement à cette activité, appréciant d'être leur "propre patron" et de "tenir [leur] vie entre [leurs] mains".
- Complément de revenu : Pour d'autres, comme Daniela, c'est un "bon complément de revenu".
- Réalisation du "rêve américain" : Bryce Adams considère le fait d'être créatrice de contenu comme une "nouvelle façon de réaliser le rêve américain".
4. Les dérives du marché : Mineurs et manque de régulation.
- Présence de mineurs : Malgré l'interdiction stricte aux mineurs sur les deux plateformes, des enquêtes (Reuters pour OnlyFans, Envoyer Spécial pour MYM) ont détecté des comptes ouverts par des mineurs.
- Facilité de contournement des contrôles : Roman, 17 ans, a réussi à s'inscrire sur MYM à 15 ans avec une "fausse carte" imprimée, le système de vérification "n'a pas vu que c'était du papier".
- Témoignage de Roman : Elle propose du contenu axé sur les pieds, gagnant près de 1500 € pour des actions qu'elle n'avait pas "envie de faire" mais qui étaient "bien payé[es]". Elle estime que c'est une "sorte de prostitution".
- Expérience du faux profil test : Un faux profil de mineur (16 ans) créé par les journalistes a été validé par MYM en seulement "15 minutes" et est resté actif pendant "44 jours" avant d'être suspendu.
- Faiblesse des systèmes de contrôle : Les plateformes affirment utiliser des "processus de validation strict" et des "technologies et équipes de modération massives", mais l'enquête révèle que l'IA utilisée a une "marge d'erreur de plus d'un an sur la tranche 13-17 ans".
- Reconnaissance interne des fraudes : D'anciens employés de MYM confirment que les "tentatives de fraude à la carte d'identité, ce sont des occurrences quotidiennes" et que "des jeunes filles notamment qui passaient entre les mains du filet" étaient connues en interne.
- Manque de régulation et auto-régulation :ARCOM : L'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) ne cible pas prioritairement MYM dans ses actions de contrôle.
- Ministère de l'Intérieur : La police nationale n'est pas un modérateur, et la "grande majorité des profils sont privés", rendant les constatations difficiles pour les enquêteurs.
- Absence de réponses de MYM : Les fondateurs de MYM ont refusé toute interview, répondant par écrit qu'ils n'avaient "pas repéré de profil de créateur mineurs".
- Priorité au chiffre : Selon un ancien employé, la question éthique et morale est "rarement abordé[e]" en interne chez MYM, la priorité étant de "faire du chiffre d'abord".
5. Le rôle croissant des "managers fan" et ses dérives.
- Émergence des agents : Des hommes comme Quentin Stelma (23 ans) se positionnent comme "manager fan", agissant comme agents pour les modèles, monétisant leur contenu sur les plateformes.
- Modèle économique des agents : Ils prennent 50% des gains de la modèle. L'utilisation d'un agent peut multiplier les revenus d'une modèle (ex: Sorena est passée de 1900 € seule à 15000 € avec un agent).
- Stratégies marketing : Les agents utilisent les réseaux sociaux classiques (ex: Instagram) pour créer une communauté et rediriger les abonnés vers les plateformes privées.
- Les "chatters" : Une "supercherie" où des jeunes hommes répondent aux utilisateurs "à la place de la modèle" pour "vendre le maximum de photos et vidéos possibles", créant l'illusion que le client parle directement à la créatrice. Les chatters touchent 10 à 15% des ventes. Les clients sont souvent des personnes "célibataires" ou qui "n'arrivent pas justement à aller voir des femmes".
- Discours misogyne et masculiniste : Des "gourous" comme Anthony Sirius (23 ans) proposent des formations en ligne pour futurs agents. Ces formations véhiculent une "vision marchande de la femme", la présentant comme un "produit qu'il faut optimiser, qu'il faut rentabiliser". Les critères de sélection des modèles incluent d'être "belle", "bonne", "jeune voire très jeune", et "blanche".
- Marché parallèle de contrats : Les agents organisent des "marchés aux femmes" sur des messageries cryptées (ex: Telegram) où ils "achètent et [re]ventent des contrats de modèle du monde entier" (ex: "18 ans, Ukraine 800 dollars", "22 ans, France 450 €"), sans interaction avec les modèles.
- Abus et absence de protection juridique :Témoignage de Christine : Elle a subi de la "maltraitance psychologique" de la part de son agent, qui est devenu "très méchant" et "harcel[ait] même de dizaines de messages" pour la pousser à produire plus.
- Tentative d'escroquerie : L'agent de Christine aurait tenté de remplacer son RIB par le sien pour détourner ses revenus, conduisant Christine à porter plainte.
- Vide juridique : L'absence de cadre juridique spécifique rend les modèles "sans protection face à des agents qui peuvent être abusifs".
L'avocat Raphaël Molina évoque le "proxénétisme 2.0" mais souligne l'absence de "relation physique" nécessaire pour la qualification de proxénétisme actuel.
6. Perspectives de régulation.
- Nécessité d'une législation spécifique : Le "vide juridique" actuel nécessite une nouvelle loi pour encadrer ce phénomène.
Idées de régulation :
- Créer une qualification juridique de "proxénétisme 2.0".
- Interdire la promotion de ces plateformes sur les réseaux sociaux.
- Interdire les liens de redirection des réseaux sociaux classiques vers les plateformes privées, ou à minima les encadrer.
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Mettre en place une prévention et une sensibilisation "auprès des jeunes et auprès des parents sur les risques" liés à cette activité.
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Conscience des parlementaires : Une commission d'enquête parlementaire a commencé à s'intéresser au sujet, montrant une prise de conscience, même si les députés n'étaient "pas du tout" au courant du fonctionnement de ces plateformes au départ.