Briefing : Secourisme en Santé Mentale et Fonction Publique : Agir Ensemble !
Résumé
Ce document de synthèse analyse les échanges tenus lors des "Rencontres PSSM France #2", axées sur le déploiement du secourisme en santé mentale au sein de la fonction publique.
Les discussions ont mis en lumière la croissance exponentielle du programme Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM) en France, soutenu par des objectifs gouvernementaux ambitieux, visant 300 000 secouristes formés d'ici 2027 et 750 000 d'ici 2030.
L'initiative, portée par l'association PSSM France, se distingue par son approche citoyenne, sa base scientifique solide (méthode australienne Mental Health First Aid) et son impact mesurable sur la déstigmatisation des troubles psychiques.
Le déploiement au sein des trois fonctions publiques, encadré par la circulaire du 23 février 2022, constitue un levier stratégique majeur pour toucher un large écosystème professionnel et citoyen.
Les retours d'expérience des collectivités, des universités et d'organismes comme l'UROPS témoignent d'une appropriation réussie et d'un impact concret sur le terrain, renforçant le "pouvoir d'agir" des agents et des étudiants.
Face à ce succès, PSSM France ancre sa stratégie future, "En Route vers 2030", sur deux piliers : une haute exigence de qualité et une mesure d'impact robuste.
Cette ambition se concrétise par le lancement de projets de recherche d'envergure (SÉSAME, Père-aidance étudiants en médecine) visant à produire des données probantes françaises et à affiner le programme.
Le développement du module PSSM Ado, actuellement en phase pilote, répond à l'enjeu crucial de la santé mentale des jeunes et confirme la volonté d'adapter l'outil aux publics les plus vulnérables.
La démarche globale s'inscrit dans une vision de transformation sociétale, visant à construire une culture de la solidarité et du "vivre ensemble" face à la souffrance psychique.
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1. Croissance et Ambition du Programme PSSM en France
Le programme de Premiers Secours en Santé Mentale, porté en France par l'association PSSM France depuis 2018, connaît une dynamique de croissance exceptionnelle, soutenue par un engagement constant des pouvoirs publics et une reconnaissance internationale.
1.1. Une Dynamique de Croissance Exponentielle
Les objectifs fixés par le ministère de la Santé ont été systématiquement atteints et dépassés, témoignant d'une forte mobilisation sur tout le territoire.
Objectif Initial
Date de Réalisation
Nouvel Objectif
Date de Réalisation/Cible
60 000 secouristes fin 2023
Juin 2023
150 000 secouristes fin 2025
Novembre 2024 (un an en avance)
150 000 secouristes fin 2025
Novembre 2024
300 000 secouristes d'ici 2027
Annoncé en juin 2024
À la date des rencontres, les chiffres confirment cette tendance :
• Plus de 230 000 secouristes formés sur l'ensemble du territoire.
• Près de 2 000 formateurs accrédités.
• L'objectif stratégique de l'association, fixé dans son projet "En route vers 2030", est d'atteindre 750 000 secouristes en 2030.
Cette croissance s'observe dans tous les secteurs d'activité : pénitentiaire, protection de la jeunesse, éducation nationale, santé, mais aussi dans le monde économique, les collectivités et le secteur social.
1.2. Un Soutien Institutionnel Continu
Dès sa création en 2018 par l'INFIP, Santé Mentale France et l'UNAFAM, le projet a bénéficié d'un soutien "constant" du ministère de la Santé (DGS, Délégué ministériel), de Santé Publique France et des Agences Régionales de Santé (ARS).
Cet appui s'est traduit par l'inscription du programme dans plusieurs feuilles de route ministérielles sur la santé mentale depuis la ministre Agnès Buzyn.
La circulaire du 23 février 2022, cosignée par les ministres de la Santé et de la Fonction Publique, a marqué une étape décisive en officialisant le déploiement de la sensibilisation et de la formation au sein des trois fonctions publiques.
1.3. Un Cadre International et Scientifique
La France fait partie d'un réseau international de 47 pays déployant le programme Mental Health First Aid (MHFA), né en Australie il y a 25 ans.
Cette communauté mondiale rassemble plus de 10 millions de secouristes.
Le programme repose sur une "méthode fondée sur les preuves scientifiques solides, régulièrement évaluées et améliorées", notamment via le modèle de consensus Delphi.
Plus de 100 études, dont de nombreuses études randomisées contrôlées et quatre méta-analyses, attestent de son efficacité à l'échelle mondiale.
2. Philosophie et Portée du Programme PSSM
Au-delà des chiffres, PSSM est présenté comme une démarche citoyenne visant une transformation profonde de l'approche de la santé mentale.
2.1. Une Démarche Citoyenne et de Démocratisation
Le programme PSSM est décrit comme un "projet citoyen" qui porte des "valeurs de solidarité, citoyenneté et de soutien entre pairs". Son objectif fondamental est de :
• Changer les représentations autour de la souffrance psychique.
• Lutter contre la stigmatisation et lever les tabous.
• Renforcer la solidarité et créer des communautés bienveillantes.
• Apprendre à aider, c'est-à-dire "comment se tourner vers l'autre" tout en prenant soin de sa propre santé mentale.
Comme le souligne Muriel Vidalin, présidente de PSSM France, l'objectif est de s'inscrire "dans une société où le vivre ensemble a du sens".
2.2. Qualité, Évaluation et Mesure d'Impact
Le projet stratégique 2025-2030 de PSSM France repose sur deux axes indissociables :
1. "Pas de déploiement de premier secours en santé mentale sans une haute exigence de qualité."
2. "Pas de qualité sans évaluation et mesure d'impact robuste."
Cette exigence s'inscrit dans l'ADN du programme international et se traduit par une volonté de contribuer à la production de données probantes françaises via des études et des publications, qui feront l'objet de la deuxième table ronde.
La reconnaissance de la formation au répertoire spécifique de France Compétences et son éligibilité future au CPF (dès 2026) ancrent durablement cette démarche dans le paysage de la formation professionnelle.
3. Le Déploiement dans la Fonction Publique
La circulaire du 23 février 2022 a structuré le déploiement du PSSM dans la fonction publique, un "écosystème essentiel" pour diffuser une culture de prévention et de soin.
3.1. Cadre et Objectifs de la Circulaire
La circulaire vise un double enjeu :
• Former des agents de divers secteurs pour renforcer leur capacité d'intervention auprès des publics.
• Sensibiliser les collègues et collaborateurs pour lutter contre l'isolement et la stigmatisation en milieu de travail.
Le dispositif s'articule en plusieurs niveaux :
1. Sensibilisation (1/2 journée) : Pour tous les agents des trois fonctions publiques.
2. Modules en ligne sur Mentor :
◦ "Prenez soin de votre santé mentale" (1h30) pour comprendre les enjeux et les bonnes pratiques. ◦ "Agissons pour la santé mentale" (2h45) pour mobiliser dans une démarche citoyenne.
3. Formation de secouriste (14h) : Pour les agents volontaires.
4. Formation de formateur : Pour autonomiser la formation en interne.
Le texte insiste sur la mutualisation des ressources, la concertation avec le dialogue social et l'appui sur la médecine du travail.
3.2. Premiers Chiffres et Retours
Bien que les données ne soient pas encore exhaustives, notamment pour la fonction publique territoriale, les premiers chiffres montrent une mobilisation significative :
Fonction Publique / Ministère
Nombre de Secouristes Formés
Justice - Milieu Pénitentiaire
1 657 agents
Justice - Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ)
1 853 secouristes
Éducation Nationale
4 643 secouristes (>40% au module Jeune)
Fonction Publique Territoriale
5 600 agents (via CNFPT ou collectivités)
Ministères (État)
4 600 agents (Économie, Sociaux, Justice, etc.) inscrits aux modules Mentor en avril 2025.
Les retours qualitatifs sont très positifs : 92 % des participants aux formations estiment pouvoir réinvestir tout ou partie de la formation dans leur activité professionnelle.
4. Retours d'Expérience et Applications Concrètes
La première table ronde a permis d'illustrer la manière dont différents acteurs de la fonction publique se sont approprié le programme PSSM.
• Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM) : L'expérience du Val-d'Oise montre comment une coordination inter-CLSM a permis un déploiement structuré à l'échelle départementale.
Les points clés sont : le ciblage de publics prioritaires (périnatalité), l'adaptation des formats (pour les usagers des Groupes d'Entraide Mutuelle), et la création de groupes hétérogènes favorisant "le lien social et l'ouverture".
• Collectivités Territoriales (Ville de Lille) : Forte de son CLSM ancien, la ville a formé un cadre municipal pour devenir formateur interne.
Les formations mélangent volontairement les publics (travailleurs sociaux, usagers, enseignants, associations) pour favoriser l'interconnaissance.
Le projet a permis de développer des "ambassadrices santé" issues des quartiers prioritaires, qui deviennent à leur tour formatrices, renforçant leur pouvoir d'agir.
• UROPS (Union Régime Obligatoire Prévention Santé) : Cet organisme propose des programmes de prévention aux administrations de la fonction publique d'État.
Ils ont intégré PSSM pour répondre aux besoins spécifiques de populations comme les agents pénitentiaires ou du ministère de l'Intérieur. 1 700 agents ont été formés depuis 2023, avec une soixantaine d'actions à venir.
L'UROPS met un accent particulier sur la nécessité d'une "évaluation à froid" pour mesurer l'utilisation réelle des compétences acquises.
• Milieu Universitaire (Université de Bordeaux) : L'université, déjà très engagée sur la santé mentale, a vu PSSM comme un "potentialisateur de l'engagement des étudiants".
Près de 4 000 secouristes y ont été formés, avec une offre constante de deux formations par semaine, toujours complètes.
Le choix a été fait de former les soignants de l'espace santé étudiant pour qu'ils dispensent la formation, et de créer des groupes mixtes (étudiants, enseignants, personnel) pour "faire tomber les barrières".
L'effet le plus marquant est le renforcement du pouvoir d'agir des étudiants : plus de la moitié ont aidé au moins une personne, et 25% entre 5 et 10 personnes.
5. Recherche et Évaluation : Mesurer l'Impact du Programme
La deuxième partie des rencontres a mis en exergue la stratégie de PSSM France de s'inscrire dans une démarche rigoureuse d'évaluation scientifique.
5.1. Contexte et Ambitions
Le conseil scientifique et pédagogique (CSP) de PSSM France a pour mission de garantir la qualité et la reproductibilité du modèle, condition indispensable à la recherche.
L'objectif est de produire des données françaises pour compléter le corpus international et de tendre vers la démonstration ultime : prouver qu'une personne secourue par un secouriste PSSM voit "sa trajectoire et son pronostic modifiés".
5.2. Projets de Recherche en Cours
Deux initiatives majeures sont sur le point de démarrer :
• Projet SÉSAME : Menée par le professeur Arnaud Carré, cette étude à grande échelle vise à évaluer l'efficacité du programme standard en France.
Son originalité réside dans la mesure des mécanismes psychologiques sous-jacents chez les secouristes et formateurs (empathie, régulation des émotions, compassion).
L'étude, à la fois rétrospective et prospective (avec un suivi à 6 mois), permettra de mieux caractériser les effets du programme selon les profils et de contribuer à son amélioration continue.
• Projet Père-aidance Étudiants en Santé Mentale : Porté par l'ISNI (Intersyndicale Nationale des Internes) et le Pr. Édouard Lone (CH Le Vinatier), ce projet part du constat de la vulnérabilité des étudiants en médecine. Le protocole consiste à former 10% d'une promotion d'internes de Lyon en tant que secouristes PSSM.
L'étude évaluera l'impact de la présence de ces pairs-aidants sur le bien-être (burnout, dépression) de l'ensemble de la promotion sur un an. L'objectif final est d'institutionnaliser cette formation dans le cursus médical.
5.3. Le Programme PSSM Ado
Face à l'enjeu majeur de la santé mentale des jeunes, PSSM France a développé un module spécifique pour les adolescents, actuellement en phase d'expérimentation.
• Objectif : Briser la solitude des jeunes face à leurs propres troubles ou ceux de leurs camarades, et leur donner des outils pour agir.
• Format adapté : 3 sessions de 50 minutes au collège et 3 sessions de 90 minutes au lycée.
• Prérequis : 10% des personnels de l'établissement (enseignants, administratifs, service) doivent être formés au préalable au module PSSM Jeune.
• Premiers retours : Une phase pilote auprès de 500 élèves a montré un accueil très positif et une forte participation, les jeunes se sentant directement concernés par le sujet.
Une expérimentation plus large est prévue avec le soutien de l'Éducation Nationale.
6. Conclusion et Perspectives
En conclusion, Claire Compagnon, membre du collège de la Haute Autorité de Santé (HAS), a salué l'action de PSSM France comme une contribution essentielle face à l'enjeu majeur de santé publique que représente la santé mentale.
Elle a rappelé l'engagement de la HAS à travers son propre programme de travail, qui vise à construire des parcours cohérents, à promouvoir la pair-aidance et à renforcer les droits des personnes.
L'engagement de PSSM France dans la recherche et l'évaluation a été particulièrement souligné comme une démarche "essentielle".
Dans un contexte où le développement de la prévention doit s'appuyer sur des données probantes pour guider les décisions des pouvoirs publics, les initiatives de PSSM France sont perçues comme un modèle pour accélérer le "virage préventif" en France.
L'ambition partagée est de passer "de la parole à l'action" pour faire de la santé mentale une priorité concrète et collective.


