Compte rendu détaillé de l'audition de Nasser Sari (Nasdas) par la commission d'enquête sur TikTok
- Date de l'audition : Non précisée (référence à "aujourd'hui")
Personne auditionnée : Nasser Sari, alias Nasdas, influenceur avec 3,7 millions de followers sur TikTok et plus de 9 millions sur Snapchat.
Contexte : La commission d'enquête de l'Assemblée nationale vise à comprendre les mécanismes de TikTok et des réseaux sociaux en général, ainsi qu'à élaborer une meilleure régulation pour protéger les mineurs des contenus choquants.
L'audition fait suite à une consultation citoyenne et des signalements.
Thèmes principaux et idées/faits importants :
1. Rôle et rémunération sur TikTok vs. Snapchat :
- Nasdas se définit avant tout comme un "Snapchatter", sa principale source de revenus étant Snapchat.
- Il déclare que TikTok représente une part "quasi rien", estimée à "0,1 %" de ses rémunérations globales. Il affirme avoir gagné moins de 5000 € sur TikTok en 5 ans.
- Sur TikTok, seuls les vidéos de plus d'une minute et les lives (via dons) sont rémunérés. Nasdas n'a posté qu'une soixantaine de vidéos en 4 ans, dont seulement deux de plus d'une minute, et environ 10 lives.
- "Moi principalement ma source de revenu elle vient de Snapchat c'est un autre réseau [...] majoritairement ça vient de Snapchat."
- "Sur TikTok comme je vous ai dit j'en gagne très peu."
- Sur Snapchat, la rémunération se fait "à la vue" et via des placements de produits. Il déclare que 80% de ses placements de produits sont gratuits, dédiés au soutien des commerces de proximité.
2. Utilisation de TikTok comme "tremplin" et viralité :
- Malgré une faible monétisation directe, Nasdas utilise TikTok comme un "tremplin pour booster [ses] vidéos", gagner en visibilité et en autorité.
- Il reconnaît que "le réseau principal aujourd'hui pour avoir plus d'aud [audience] c'est c'est c'est TikTok."
- Ses vidéos Snapchat sont souvent relayées sur TikTok via des "comptes redif" (rediffusion), qui republient son contenu sans sa permission, obtenant parfois plus d'ampleur que sur Snapchat. Il qualifie cela de "normal" mais le reconnaît comme un "pillage de contenu".
- Ces comptes rediffusent des vidéos virales ou de petits créateurs, en faisant des captures d'écran et en les repostant, sans identité claire. Il existe des milliers de ces comptes.
3. Audience et présence de mineurs :
- Nasdas est suivi par 3,7 millions de personnes sur TikTok et 9 millions sur Snapchat.
- Il admet voir "énormément de jeunes" dans sa communauté, reconnaissable à leur écriture et leurs commentaires ("on voit bien que c'est un gamin de 14 ans ou 15 ans").
- Cependant, il affirme que sur Snapchat, son réseau principal, plus de 87% de son audience est majeure, sa plus grande communauté étant les 25-36 ans. Il ne dispose pas de chiffres précis pour TikTok.
- "Je vais vous dire que je n'ai pas réussi à regarder le nombre de mineurs qui me regardent."
4. Les jeunes fugueurs et la responsabilité :
- Nasdas est conscient que sa notoriété a entraîné des "jeunes mineurs qui fugent de leur ville pour venir à Perpignan", y compris des enfants de 10-11 ans attendus à 2h du matin.
- Son adresse a fuité, entraînant 200 à 300 personnes par jour devant sa maison.
- Il reconnaît avoir "une part de responsabilité" mais souligne aussi celle des parents. "Vous pensez pas que les parents ont une part de responsabilité ?" Il cite des cas de parents lui demandant de garder leurs enfants fugueurs.
- Il affirme avoir toujours inclus une "morale" dans ses vidéos, disant "arrêtez ne venez pas arrêtez de croire au rêve Nasdas."
- Il aide les jeunes en difficulté (hébergement, achat de vêtements, aide financière pour des opérations médicales), mais a "ralenti énormément" ces actions filmées, surtout l'année dernière, et s'est "isolé dans une villa" face à l'ampleur du phénomène.
- Il mentionne que beaucoup de jeunes qui viennent sont des jeunes de foyers (aide sociale à l'enfance), se sentant "plus en sécurité des fois que dans certains foyers".
- Il nie "rajouter de la misère à la misère" et souligne qu'il n'a jamais demandé aux jeunes de venir. Il a même collaboré avec la police pour gérer la situation.
- Le maire de Perpignan (RN) n'aurait mis aucune aide en place, et même au contraire, des policiers seraient intervenus lors de ses actions sociales non autorisées. Il se sent "vraiment seul".
5. La santé mentale des créateurs de contenu et la pression :
- Nasdas a annoncé suspendre ses réseaux sociaux, une décision prise 3 mois avant l'audition, non liée à cette dernière.
- Il évoque la difficulté mentale du métier : "notre santé mentale elle est impactée."
- La "course au vues", à l'"image", au "buzz" met une pression sur les créateurs, les poussant "à poster des choses sans même en être conscient".
- Il se reconnaît responsable de ses erreurs mais estime n'avoir pas été préparé à une telle notoriété.
- Il envisage une pause d'un à trois ans : "je ne sais pas si j'arrête totalement définitivement mais c'est une décision sage." Il perdra "énormément d'argent" en s'arrêtant.
- Il estime qu'il faudrait "plus d'encadrement, pas sévère, pas des punitions" pour les créateurs de contenu.
6. Évolution de la ligne éditoriale et accusation de contenus choquants :
- Des parlementaires accusent Nasdas d'une évolution de sa ligne éditoriale vers une "mise en scène assez violente qu'elle soit physique, psychologique ou symbolique", montrant des personnes "vulnérables filmées dans des situations de mise en concurrence assez dégradante", avec des encouragements à des comportements "discriminatoires et misogynes".
- Il est spécifiquement interrogé sur la mise en scène de relations amoureuses dans sa villa, impliquant parfois des mineurs, et sur la frontière entre réalité et fiction.
- Le cas d'une jeune fille "Leina" accusée d'être tombée enceinte d'un homme de la villa alors qu'elle était mineure est cité. Nasdas affirme qu'elle a menti sur sa grossesse et son âge (16-17 ans). Il mentionne qu'elle est majeure et qu'elle a le droit à l'image.
- Le cas de "Dibril" jetant un téléphone sur sa compagne est évoqué comme un acte de violence conjugale filmé. Nasdas affirme que la scène était "surjouée" et que le couple est toujours ensemble.
- Il admet que "il y a des choses qui sont mises en scène oui et d'autres choses réelles".
- Un incident sur Twitch où une jeune fille a montré sa poitrine a été "pas volontaire" et le live a été coupé immédiatement. Il affirme qu'elle est majeure et qu'il l'a conseillée de s'éloigner des commentaires haineux.
- Il réfute l'accusation d'avoir incité au racisme suite à l'expression "ramenez un banania" concernant un jeune garçon. Il explique qu'il s'agissait d'une référence à une boisson chocolatée et que l'auteur s'est excusé.
- Il nie contribuer à la "banalisation de la violence" ou de l'harcèlement. Il se dit lui-même victime de harcèlement via ses vidéos. Il affirme que ses amis et lui se protègent mutuellement.
7. Recommandations et auto-critique :
- Nasdas reconnaît ne pas avoir de "baguette magique" ou de "solution miracle" pour réguler TikTok. Il se demande si "ce n'est pas un peu trop tard".
- Il suggère qu'un "âge minimum" pour utiliser TikTok pourrait être de 14 ou 15 ans.
- Il pense qu'il faudrait "plus une question d'algorithme pour les jeunes, plus les ramener vers un contenu on va dire éducatif".
- Il souligne la difficulté de vérifier l'âge des utilisateurs et la facilité de mentir sur l'âge à l'inscription.
- Il déclare que les "dramas" (contenus violents, misogynes, etc.) font "largement plus de vues qu'une vidéo qui explique [...] comment fonctionne une commission d'enquête". "Donc ça rapporte plus d'argent de faire des dramas que de faire de la pédagogie ah ben mais mais mais totalement."
- Il avoue avoir partagé du "Paris sportif" et du "trading" par le passé, avant la loi influenceur, sous l'influence d'agences peu scrupuleuses, et reconnaît avoir causé des pertes à des familles. Il salue la nouvelle loi qui responsabilise les agences.
- Il regrette d'avoir indirectement poussé les jeunes à croire en lui plutôt qu'en leurs études ou leur éducation. "Je représente un symbole de renaissance pour eux de d'une meilleure vie et surtout d'un meilleur avenir et c'est là où j'ai C'est là ou c'est là où je le regrette."
En conclusion, il conseille à ceux qui veulent se lancer sur les réseaux : "vous lancez pas sur les réseaux."
Questions en suspens / Points d'attention :
- L'écart entre le discours de Nasdas sur la faible rémunération de TikTok et la reconnaissance de la plateforme comme "tremplin" pour la visibilité.
- La difficulté pour Nasdas de fournir des chiffres précis sur la part des mineurs dans son audience TikTok, malgré son impact reconnu sur cette tranche d'âge.
- La ligne floue entre "réalité" et "mise en scène" dans ses contenus, et les implications légales potentielles.
- Le rôle des agences d'influenceurs et leur responsabilité dans les contenus problématiques (bien que la loi influenceur soit censée y remédier).
- L'absence d'aide des services publics locaux face à l'afflux de jeunes chez Nasdas à Perpignan.
- La perception de Nasdas que l'audition était trop axée sur des attaques personnelles plutôt que sur l'algorithme de TikTok.